Mother

Sale coin !

Étrange film, dans une plus encore étrange Corée, contrée presque aussi moche, s’il est possible, que le hideux Afghanistan, dans un autre genre, pays vert, pluvieux, crasseux, désespérant, et où l’on s’étonne que tant d’être humains se soient fixés afin de manger du chien et des choux fermentés…

Étrange pays et étrange histoire attachante que celle de cette mère dont toute la vie n’a été que souffrance, frustration, désolation et travail sans plaisir, mère affublée d’un fils de légère débilité, qui vit avec lui une relation  fusionnelle, compliquée, incestueuse peut-être un peu, substitutrice, mère prête à tout, et surtout à ne pas voir la réalité, à la nier jusqu’à aller au meurtre, pour se punir, presque, de n’être pas parvenue, jadis, à tuer son enfant et à se tuer elle-même afin de ne pas survivre dans le monde hostile où ni lui, ni elle n’ont jamais eu de place.

Ce qui frappe effectivement le plus, c’est l’extraordinaire décalage qui peut exister entre ce couple singulier, bien plus en osmose qu’en tendresse et la réalité banale, celle des policiers, des écoliers, des familles en deuil, des simples passants. Hors du monde et hors du temps Do-jon (Bin Won) et sa mère (Kim Hye-ja, absolument remarquable, tour à tour fragile, déterminée, cauteleuse, désespérée, agressive) ont construit un drôle de monde, sans beauté ni espérance, mais dont ils gardent seuls les clés.

Étrange aussi la figure de Ah-jung (Mun-hee Na), la fille paumée, qui est passée entre toutes les mains, sous tous les désirs, dont l’assassinat va déclencher l’enquête dérisoire de Mother, obsessionnelle et inutile ; j’ai cru retrouver là, dans le dégoût d’elle-même exprimé jusqu’aux sanglots, les échos atténués du même dégoût ressenti par Laura Palmer de Fire walk with me ; pauvres filles salies, incapables de se sortir de l’engrenage suicidaire qui les enferme dans l’impasse majeure de leur vie gâchée.

Pas beaucoup de lueur d’espoir, ni de rayons de soleil dans Mother ; il pleut sans cesse sur la Corée…

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