Ah que c’est beau, un vrai mélo !
C’est du Pagnol et c’est un délicieux vrai mélodrame, et se mêlent dans Naïs des torrents de méchanceté et de belles rédemptions bouleversantes. Même si je mets la même note de 5, je trouve que c’est un soupçon inférieur à La fille du puisatier, qui poursuit une intrigue à la fois moins tragique (il n’y a pas de mort d’homme) et plus dramatique (parce que ça s’arrange beaucoup moins vite et que Patricia, la fille qui a fauté – Josette Day – est répudiée longuement par son bonhomme de père – Raimu -) ; en fait, je crois que c’est précisément Raimu qui fait la différence, par son extraordinaire talent…
Revenons à Naïs ; à mes yeux, donc, c’est légèrement inférieur à La fille du puisatier, donc, et pourtant c’est vraisemblablement du Bossu qu’on se souvient ; c’est vrai, on dirait que c’est dégoulinant de gentillesse niaise, de mièvrerie douceâtre, tant l’intrigue pourrait y mener, tant Fernandel tutoie quelquefois le précipice… mais… il n’y tombe pas ! Miraculeusement, cet habile fripon de Pagnol, séduisant et séducteur comme pas un, parvient toujours, au dernier moment, acrobatiquement, à se sortir du melliflu, à tutoyer les frontières du ridicule et, d’un saut impeccable, de faire arriver du vrai pathétique, de la réelle émotion, avec gentillesse et même générosité…
Même s’il n’y a pas, dans le film un Imperator à l’aune de Raimu, la distribution est excellente et les acteurs très bien dirigés, à la notable exception de Jacqueline Pagnol (qui était encore Mlle Bouvier) trop blonde, trop jolie, trop poupée ; Raymond Pellegrin, vil séducteur touché par la grâce de Naïs est un peu trop cynique et veule au début (c’est sans doute dû à une petite faiblesse du dialogue pagnolesque), mais se reprend bien ; Germaine Kerjean, par moments un peu excessive, a un tel impact physique fascinant qu’elle peut se le permettre ; Micoulin, le père de Naïs, est interprété par un Henri Poupon, absolument extraordinaire en père dur, possessif, violent, secret… Son égocentrisme patriarcal fait songer à l’Antique qui, sur ces terres de Provence, n’est jamais loin (qu’on songe à Gaston Dominici…)
Et puis Fernandel est admirable, poignant souvent, exceptionnel quelquefois, comme dans la poésie des Petits Bossus qui a tant et tant ému de monde…
Un rêve m’a dit une chose étrange
Un secret de Dieu qu’on n’a jamais su
Les petits bossus sont de petits anges
Qui cachent leurs ailes sous leurs pardessus
Voilà le secret des petits bossus.