Un film qui fera pschittt !
J’ignorais que l’épuisant Sébastien Japrisot avait un émule ou un épigone Outre-Atlantique en la personne d’un certain Harlan Coben qui s’y entend lui aussi comme personne pour créer des intrigues aussi invraisemblables que puzzlatiques (voilà un joli néologisme que je viens d’inventer et dont je ne suis pas peu fier !), c’est-à-dire des intrigues à l’extrême complication où, toutefois, à la longue, le paysage se dessine, mais qui se termine par une explication finale où un personnage-clef résout toutes les énigmes qui traînent et permet au spectateur affolé de retrouver ses petits.
Cette deuxième réalisation de Guillaume Canet, assez plaisante au début (il y a des moyens, des paysages joliment photographiés, les filles sont belles, et la distribution solide) s’englue assez rapidement, avec détermination dans les pires marécages, jusqu’à déboucher, à l’extrême fin sur un des happy end les plus grotesques que ma longue carrière de spectateur m’a donné à voir.
C’est d’ailleurs toujours pareil, avec ce genre de film : à la première vision, le rythme vif, la succession des péripéties, les scènes de violence tiennent assez bien en haleine : mais une fois le film ingurgité, je doute qu’une deuxième vision ne fasse pas hurler de rire, tant les chevilles employées, les invraisemblances du récit, la multiplication des hasards favorables à la poursuite de l’intrigue apparaitront visibles et épaisses…
C’est dommage, parce que – j’y reviens – il y a de bons acteurs, François Berléand (un peu moins bien que d’habitude, néanmoins) ou l’acide Kristin Scott Thomas en lesbienne séduisante… Il y a quelques personnages absolument immondes, chez les tueurs, notamment une longue liane maigre absolument prodigieuse dans l’innommable…
Mais Jean Rochefort ou André Dussollier sont assez pitoyablement dirigés (???). Et puis François Cluzet est peu crédible en coureur dératé et Nathalie Baye campe une avocate retorse caricaturale…
Les qualités intrinsèques de ces excellents acteurs ne sont pas en cause : ils pâtissent seulement d’un scénario à la limite inférieure du ridicule et de la trop longue durée d’un film inutile.
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Que l’intrigue tienne en haleine jusqu’au bout, je veux bien l’admettre ! Je ne suis pas si mauvais public que ça et l’intervention du démiuge-gendarme Dussollier fait partie autant de ce genre de film que, dans les feuilletons du 19ème siècle le miraculeux sauveur qui parvient à vous recevoir dans ses bras alors que vous veniez de faire une chute d’apparence mortelle.
Mais que cette intrigue paraisse vraisemblable, c’est cela qui ne va pas, qui ne va plus, tant elle se fonde sur une succession de hasards et de chances impossibles….
Je le répète : à la seconde vision, toutes ces chevilles du récit, tous ces pilotis de l’intrigue doivent s’effondrer dans un gigantesque méli-mélo…
(tiens, pendant qu’on y est : le gendarme Dussollier, à l’extrême fin de sa carrière, c’est-à-dire pendant qu’il sauve sa fille, tue les malfrats, découpe une pauvre fille morte, porte encore les galons de capitaine, ce qui, à son âge déjà avancé, est la marque d’un petit sous-officier méritant, qui a grimpé quelques échelons à la force du poignet, et non, comme on le devine, dans sa jolie villa, plus tard, un officier supérieur, voire un officier général… ce genre de méprise, et de mépris du public est agaçant, aussi, et concourt à l’invraisemblance des situations)
Certes, Guillaume Canet tire un assez bon parti du matériau qu’il emploie, et j’ai été sensible au rythme et aux halètements de la course-poursuite (la traversée du périphérique demeurera sans doute longuement dans les mémoires ; cela étant, je doute qu’on puisse se retrouver dans le marché Biron, aux Puces, en escaladant le mur du périph ; mais là je ratiocine !)
En fait, c’est ce genre de films que – subjectivement, évidemment – j’apprécie de moins en moins : ce film-puzzle où les questions s’emboîtent et où les énigmes se résolvent par des coups de baguette magique, sans qu’il y ait pour autant une intrusion du fantastique. Peut-être est-ce dû à mon âge avancé, à une certaine réticence intime à me laisser entraîner, à mille choses bien personnelles.
J’admets très volontiers qu’on peut prendre plaisir à regarder ce film ; le début, en tout cas en est très attrayant ; mais, au fur et à mesure que les minutes passaient – que les questions se résolvaient – je voyais poindre sinon l’ennui, du moins l’invraisemblable….
Au fait, je ne résiste pas au plaisir de citer une délicieuse vacherie directement issue du « France-Soir » d’aujourd’hui ; bien que le canard soit affligeant, il y a encore quelques bonnes plumes !
Donc, y écrit un certain Guillaume Loison « Au final Ne le dis à personne ressemble à une cérémonie des Césars, si grouillant de people qu’il en devient aberrant. On s’étonne presque de ne pas voir Alain Delon ouvrir une porte et Depardieu la refermer. Plus grave encore, le film lui-même, salmigondis de séquences toc (hormis une traversée du périph honnêtement filmée), dont le sommet reste le final, aussi rance qu’un épisode des Cordier juge et flic ».
Voilà qui est bien envoyé !