Netchaïev est de retour

Les lendemains qui déchantent.

Eh non, ce n’est pas très bon, malgré un titre qui, par ses résonances lourdes, sa référence à un révolutionnaire professionnel compagnon de Bakounine et inspirateur de Lénine, son côté d’apparence fatidique, promettait beaucoup mieux. D’autant que Jacques Deray, Jorge Semprun, Yves Montand, Claude Bolling, ça pouvait faire un film solide. Et que l’image du retour d’un terroriste disparu depuis plusieurs années au milieu de ceux avec qui il a milité pour la Révolution violente et qui vivent désormais une existence apaisée, souvent confortable est assez excitante (voir, s’il en est besoin, Cavale, de Lucas Belvaux).

Mais ça fait assez vite pschitt, en raison de la complication chichiteuse du scénario, qui se veut machiavélique et qui n’est que mélodramatique, de la trop visible fatigue de Montand, dont c’est l’avant-dernier film et qui mourra quelques mois après et du jeu insuffisant, trop fermé et tendu de Vincent Lindon qui n’est pas très crédible en démon de la vengeance lui-même poursuivi par des tueurs.

Jorge Semprun avait pourtant montré, avec Z, L’aveu et même Une femme à sa fenêtre, qu’il savait mieux que beaucoup mêler au cinéma des moments politiques forts et en montrer les complexités. À ce niveau, Netchaïev est de retour est extrêmement décevant. L’ascension sociale du groupe de jeunes enragés révolutionnaires qui ont su se frayer un chemin royal dans une société qu’ils ont pourtant vomie et contribué à désarticuler était un thème en or, en 1991, date de sortie du film tout autant qu’aujourd’hui (comment, par exemple, ne pas voir en Philippe Martel (Jean-Claude Dauphin), prospère patron d’un grand journal quotidien, le portrait de Serge July, co-fondateur de Libération ?). Mais le film survole ce basculement, n’est que simplement allusif à ces dérives capitalistes.

Il n’est pas davantage explicite sur les actions terroristes de Netchaïev/Lindon lors de sa période de clandestinité, alors qu’un grand nombre d’attentats aveugles (notamment pro-palestiniens) ont été commis par ceux qui estiment comme leurs maîtres à penser nihilistes qu’il faut accentuer les souffrances des gens pour les inciter à se révolter plus vite et plus fort… En revanche, il pose un gros doigt sur les connivences censées exister entre les officines barbouzardes avides de ventes d’armes et les filières habiles à contourner les embargos.

Je veux bien, car tout ça existe ; mais il faut un plus solide scénario pour exposer clairement des manigances terriblement obscures ; et manifestement, ni Semprun, ni Deray n’ont su. Et ils n’ont pas été aidés par le personnage qu’ils ont introduit de Pierre Marroux (Yves Montand), censé être à la fois Directeur de la surveillance du Territoire (l’ex D.S.T.) et… père du dangereux terroriste Netchaïev (Vincent Lindon) qui s’appelle en réalité Laurençon et non Marroux… parce qu’il s’est fait faire des papiers au nom de jeune fille de sa mère… Et tout le monde ignore, au plus haut sommet de l’État, cette filiation compromettante pour le père et pour le fils… Cette invraisemblance énorme plombe passablement le film.

Qu’est-ce qui reste ? Le charme de Mireille Perrier, qui joue une jeune servante de bistro, amante accidentelle de Netchaïev, quelques jolies vues de Paris (Rotonde de La Villette, terrasse de l’Institut du monde arabe, parc Monceau) et c’est à peu près tout. Montand est très très fatigué, Miou-Miou est fripée, Patrick Chesnais joue faux, Vincent Lindon articule si mal qu’il est souvent inaudible. Et, par comble, j’ai trouvé passe-partout la musique de Claude Bolling. Comme on dit au football, Quand ça veut pas, ça veut pas…

Leave a Reply