Nuits rouges

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Je suis perplexe…

Dans une édition parrainée par Les Cahiers du cinéma, sont sorties, couplées avec Judex,  qui bénéficie d’une réputation assez mythique, sont sorties, donc, ces curieuses Nuits rouges, dont le scénariste et interprète, Jacques Champreux dit, dans le supplément, qu’elles ne connurent absolument aucun succès lors de leur sortie, en 1973.

Qu’en dire ? Je suis vraiment perplexe… Animé des meilleures intentions envers Georges Franju, auteur des éclatants Yeux sans visage, un des plus beaux films terrifiants et oniriques qui se puisse, sensible à la dimension fantastique ouverte par la création de Fantômas en 1911 par Souvestre et Allain, dimension qui fascinait Franju après Feuillade, j’ai regardé avec attention et sympathie un film qui me semble, tout de même, d’une naïveté trop grande pour qu’on y prenne vraiment plaisir.

Je ne suis pas, par principe, contre les réalisations fauchées, et je veux bien jouer le jeu pour faire semblant de croire qu’il y a toute une armée là où l’esprit rationnel ne distingue qu’un malheureux myrmidon ; je sais aussi qu’il était dans le dessein de Franju de tourner un film qui ressemblerait aux serials des débuts du cinéma, qui tenterait de plonger le spectateur dans une sorte de féérie, où tout serait possible. Les dizaines d’épisodes qui voient Fantômas voler l’or du dôme des Invalides, noyer la Capitale sous les eaux, détourner des trains à l’intérieur d’un tunnel sont parmi les meilleures pages haletantes de ce genre du fantastique merveilleux qui n’est pas si souvent pratiqué en France, mais qui donne quelquefois de superbes résultats (comment pourrait-on ne pas poursuivre fiévreusement la lecture d’un ouvrage dont un chapitre s’achève par le sublime : Parvenu au troisième étage de la Tour Eiffel, l’ascenseur ne s’arrête pas…?)

nuits-rouges-3Tout cela pour dire que je suis partant pour ces aventures, ces terreurs d’enfance mises à la dimension des terreurs adultes. Mais il y a tout de même un moment où le manque de moyens assumé et le jeu caricatural des acteurs, la puérilité des ressorts psychologiques et les coups de théâtre téléphonés font davantage songer au pastiche qu’au conte de fées (ou plutôt, s’agissant d’une histoire pleine de meurtres, au conte d’ogres et de goules).

C’est ce qui se passe dans ces Nuits rouges, vraiment trop gamines, mal jouées, mal contées pour qu’on s’y laisse prendre, malgré son désir et sa bonne volonté. On y voit apparaître quelques visages connus, dont on se demande s’ils se rendent compte de ce qu’ils tournent, comme Gert Fröbe, bien loin de la lourde dimension d’Auric Goldfinger, Raymond Bussières – toujours bon – ou l’exaspérant Patrick Préjean, chipoteur et minaudier comme dans les pires séances de Au théâtre ce soir. Chez les filles, la jolie et insignifiante Gayle Hunnicut, et une demoiselle Chaplin, Joséphine, dont on se demande si elle aurait fait du cinéma si son Papa ne lui avait pas légué un prestigieux patronyme…

C’est donc assez ridicule, et pas désagréable pour autant, parce que Franju excelle, avec deux bouts de ficelle, à sculpter, au détour d’une image, un climat inquiétant ; sur le fil des Yeux sans visage, je m’émerveillais que la seule course d’une 2CV dans la nuit pût installer d’emblée un climat d’angoisse. Dans Nuits rouges, il y a quelques pérégrinations templières au fin fond de souterrains qui sont de bonne venue, quelques angles de prise de vue qui installent le doute sur un visage… Et ça suffit à me faire donner la moyenne (en fait, un peu moins ).

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