Oscar

LOUIS-DE-FUNES-1967-OSCARPour clubs du troisième âge en goguette.

Ce serait bien bête de faire le grognon et la fine gueule et de jouer le délicat devant ce phénomène cinématographique qu’a été Louis de Funès. Voilà un homme qui conserve tant d’admirateurs éperdus que sa moindre apparition dans un nanard de soixantième zone, même si elle ne dure que douze secondes permet d’éditer un DVD qui s’arrache dès qu’il porte la mention de sa présence. Comme tous les spectateurs du cinéma français des années 50, j’ai été éberlué et séduit par des apparitions tonitruantes où, en une ou deux séquences, il savait capter l’attention et émerveiller le public, qui ne se souvenait pas toujours de son nom.

2013_03_06__09_20_louis_de_funes_corniaud_vadrouille_hibernatus_gendarme_choux_baigneur_jacob_oscar_christophe_bougnot_vivre_fmImposante filmographie, jusqu’à cinq ou six tournages la même année, ce qui démontre, s’il en était besoin, la quantité de vache enragée ingurgitée, et cela sans jamais décrocher un premier rôle. Et pourtant imposant son jeu, sa physionomie, sa rage en quelques minutes dans de bons ou de très bons films, Papa, Maman, la bonne et moi en 54, Courte tête en 56, Ni vu, ni connu en 58 ; et parvenant, au milieu de monstres sacrés, Jean Gabin et Bourvil, à se faire plus que remarquer dans une manière de chef-d’œuvre, La traversée de Paris en 56.

Et un miracle, la tête d’affiche, en 64, dans un tout petit film promis aux écrans de seconde zone et qui eut un succès fou, Le Gendarme de Saint-Tropez. Triomphes de plus en plus exceptionnels des années suivantes, les films de Gérard Oury, Le corniaud, La grande vadrouille, La folie des grandeurs, Les aventures de Rabbi Jacob… Tout ce qu’il touche est or. Et pourtant dès Fantômas, en 64 aussi, on a compris que ce génie comique en avait auparavant trop soupé et que son âme inquiète n’avait plus d’autre envie que la revanche. En aucun cas il n’accepterait de se remettre en question comme pouvait le faire un Bourvil, comique niais à l’origine et saisissant commissaire Mattei du Cercle rouge.

0000346_gal_003_medLes amateurs éperdus de Louis de Funès tiennent Oscar pour le sommet de son talent. Et de fait, comme on l’a remarqué, cette banale pièce de boulevard, plutôt bien fichue et présentant les caractères habituels, les ressorts comiques solides de ce qui fait la gloire du théâtre de boulevard et déplace à Paris des cars entiers de membres de clubs du troisième âge de Picardie ou de Touraine est entièrement vouée à sa célébration. Dans le supplément du DVD le réalisateur du film, Édouard Molinaro et quelques uns de ceux qui ont approché l’acteur indiquent volontiers qu’il ne supportait pas qu’un autre interprète pût lui faire la moindre petite ombre. Et que, par exemple, le jeu subtil, intelligent, raffiné de Claude Rich l’insupportait. Devenu astre majuscule il n’admettait que lui dans son système solaire.

 La pièce devait être absolument irrésistible sur la scène du Palais-Royal, dans cette atmosphère particulière et séductrice où les effets se succèdent en cascade, où le rire d’un spectateur entraîne la salle toute entière, où l’on entre presque en transe nerveuse devant la cavalcade de la scène. Au théâtre, comme on est loin de la scène et de l’action (même si l’on est au premier rang), plus c’est gros, plus ça passe et les gags les plus énormes et les moins fins passent comme une lettre à la poste. Au cinéma c’est une autre paire de manches.

oscar-L-3Le parti pris par Molinaro de théâtraliser au maximum son film, de faire réaliser son décor par Georges Wakhevitch, grand nom de la scène, d’accentuer le caractère artificiel des entrées et des sorties, les postures grotesques du masseur (Mario David), les hurlements hystériques de la fille de la maison (Agathe Natanson) n’est pas plus idiot qu’un autre. Il y a, chez Funès quelques jeux de physionomie exceptionnels, bluffants, admirables, mais tant et tant aussi de glapissements, de cavalcades, de grognements furibonds que, sauf si l’on est un admirateur absolu du personnage, on s’en fatigue vite.

Plus ça va, plus je me dis que le théâtre et le cinéma n’ont absolument aucun rapport.

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