Messieurs Ludovic

mars 9th, 2024

Mélodie des coeurs brisés.

On peut faire du bon, de l’agréable cinéma avec n’importe quoi ! En voilà une nouvelle preuve : une histoire dont les prémisses et la structure sont absolument invraisemblables, cousu de hasards miraculeux, de rencontres improbables, de retrouvailles inattendues. Mais c’est tellement ingénieux, tellement bien conçu dans son horlogerie interne qu’on y prend un grand plaisir, qu’on suit avec tendresse et intérêt les péripéties, qu’on y trouve vraiment son content. C’est certainement dû aussi à la grande qualité de la distribution : d’abord Odette Joyeux, qui est une de mes grandes nostalgies et qui a toujours, dans ses sourires, ce petit grain d’amertume qui la rend si vraisemblable. Et puis Bernard Blier, qu’on n’a jamais vu mauvais, Marcel Herrand, inoubliable Lacenaire des Enfants du Paradis mais aussi parfait Consul de Laubry dans Martin Roumagnac… Et même Jean Chevrier, souvent mièvre (Falbalas) tient là sa partie. On peut ajouter une courte mais éblouissante apparition de Jules Berry en arsouille vraiment affreuse. Read the rest of this entry »

Le bateau à soupe

mars 6th, 2024
Chronique d’un désastre annoncé.
Voilà, malgré son titre médiocre, un excellent mélodrame rude qui, en plus, a le bon esprit de se terminer très mal sur la mort, l’indifférence et l’amertume. Voilà qui change des habituelles conclusions mielleuses, douceâtres et invraisemblables : il y a des moments où la logique d’un récit, ses développements, les caractères et les comportements des personnages, leurs histoires personnelles ne peuvent que conduire aux catastrophes. On sent d’emblée que, telle qu’elle est engagée, l’histoire ne peut que mal aboutir, d’autant qu’elle se passe dans le rude milieu de la marine à voiles, à la fin du 19ème siècle, sur un bateau où le capitaine est seul maître après Dieu.

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Paméla

mars 1st, 2024

Qu’est devenu le petit Roi ?

On peut bien sûr trouver que l’Histoire n’a aucun intérêt et que ce qui a été vécu dans les siècles qui nous précèdent peut tout à fait être passé sous silence et être complétement négligé. Je vois pourtant que les journaux, les émissions, les films qui évoquent le passé recueillent bien souvent beaucoup de succès. On a beau se vouloir fier combattant de la modernité, même de l’immédiateté, on songe avec une grande fascination à des épisodes de jadis que nous font sentir que nous avons eu des parents (la guerre d’Algérie), des grands-parents (la guerre de 40), des arrière-grands-parents (la guerre de 14) et d’autre qui ont vécu les temps anciens. Mon arrière-grand-père paternel est né en mars 1821, deux mois avant la mort de Napoléon. C’est loin ? C’est proche ! Read the rest of this entry »

Paradis perdu

février 26th, 2024

Le rêve passe.

Il se peut, il n’est pas impossible qu’Abel Gance ait eu du talent. Pas autant que le proclamaient François Truffaut et les petits messieurs de la prétendue Nouvelle vague, mais un peu de talent. Au fait, je n’en sais trop rien : tous ces gens-là devaient être sous l’impression de qualité des films muets que le cinéaste avait réalisés. N’en ayant vu aucun, je dois rabattre mon caquet : après tout Gance, comme Jean Epstein, comme F.W. Murnau, comme D.W. Griffith, comme Erich von Stroheim pouvait ne révéler ses qualités que dans les balbutiements du Septième art privés de dialogues. Read the rest of this entry »

Maigret à Pigalle

février 25th, 2024

Les diamants sont éternels.

Inépuisable personnage du commissaire Maigret ! Depuis 1932 (La nuit du carrefour de Jean Renoir avec Pierre Renoir) jusqu’au Maigret de Patrice Leconte de 2022 avec Gérard Depardieu on en a connu plein d’incarnations, d’ailleurs très différentes. Peu de choses en commun entre Michel SimonAlbert PréjeanJean Gabin, sans parler des illustrations télévisées de Jean Richard (il paraît moins catastrophique que d’habitude) ou de Bruno Crémer (qu’on m’a dit excellent) en fin de carrière. Read the rest of this entry »

Le frisson des vampires

février 19th, 2024

Peu de frissons, beaucoup de vampires.

Passionné de cinéma depuis l’enfance, assistant réalisateur de Luis Buñuel (paraît-il), concepteur de quelques courts-métrages, Jean Rollin a saisi en 1968 qu’il pouvait trouver le succès en se posant au confluent de deux tendances lourdes. Deux tendances qui de façon singulière et sans rapport direct l’une avec l’autre avaient mis ou allaient mettre pour un long temps la main sur l’imaginaire du monde. C’était d’abord la vogue des films de vampires, relancée dix ans auparavant par la Hammer avec l’indétrônable Cauchemar de Dracula qui faisait revivre les solides recettes horrifiques des États-Unis de la Grande crise. Puis – ce qui allait devenir un déferlement – la libération sexuelle et davantage encore, à ce moment précis la fin de la pudibonderie qui a permis que la nudité intégrale fût exposée à l’écran. La pornographie ne s’est établie que quelques années plus tard, avec une telle puissance qu’il a fallu, fin 1975, imposer le classement X, fiscalement pénalisant. Read the rest of this entry »

Anatomie d’une chute

février 13th, 2024

Mon Dieu quel bonheur d’avoir un mari bricoleur !

D’abord, le titre que je donne à cet avis ne peut être saisi que par qui a vu le film. Puis j’ai lu beaucoup et beaucoup d’articles dithyrambiques sur Anatomie d’une chute, film couronné par la Palme d’Or de Cannes en 2023. Au fait vous souvenez-vous des Palmes de 1965, 1973, 1992, 2004, 2007, 2017 et même 2022 ? Non, n’est-ce pas ? Reportez vous dans Wikipédia sur ces dates et ces références : vous verrez que vous n’aurez pas plus de souvenirs là-dessus que sur les Prix Goncourt 1962, 1986, 1991, 1996, 2000, 2008, 2017… Voilà qui permet de relativiser la nature de ces récompenses, qui n’ont aucune espèce d’importance trente ans après leur attribution. Rien à voir à ce qui demeure en mémoire. Read the rest of this entry »

Les bonnes causes

février 12th, 2024

Les diaboliques.

Ah oui, quelle merveille que ce film des plus belles années du cinéma français, plein d’intrigues compliquées, de dialogues spirituels et intelligents (du Jeanson ! C’est dire) et de numéros d’acteurs tous plus remarquables les uns que les autres ! Je n’évoque pas même, à ce moment, les vedettes du premier rang mais tous ceux qui, pour quelques secondes quelquefois, s’ancrent dans l’œil du spectateur et donnent de la profondeur, de l’épaisseur, de la substance au film ! Qu’est-ce que nous avons perdu avec l’indifférence des rogues petits seigneurs subventionnés d’aujourd’hui pour ces modestes et indispensables serviteurs du cinéma, qui donnaient tant de plaisir ! Jacques Monod, le Procureur, Hubert Deschamps, le médecin, Mony Dalmès la tenancière des studios coquins et même Bernard Musson le majordome compassé… Sans oublier la rapide pige faite par José Luis de Villalonga dans le rôle du très rapidement mort… Read the rest of this entry »

Susana la perverse

février 10th, 2024

Vipère dans la maison.

Dans la cruelle, violente, méchante période mexicaine de Luis BuñuelSusana la perverse intervient juste après le grand drame pesant Los Olvidados qui se penche sur les horreurs de la ville métropole sauvage. Le film suivant s’ancre dans la campagne, précisément dans une hacienda qu’on peut juger assez prospère, opulente, bien tenue, pleine de servantes déférentes et d’ouvriers agricoles (peines) qui obéissent au doigt et à l’œil aux ordres du propriétaire, grand seigneur rural que tous respectent. Read the rest of this entry »

Quartier des cerises

février 7th, 2024
Terra incognita.

 

Alors que depuis les désastreux accords Blum/Byrnesdu 28 mai 1946, notre France est inondée par le cinéma des États-Unis qui ne se sont pas contentés de nous envoyer des chefs-d’œuvre mais nous ont refilé leur tout-venant, nous avons bien peu reçu de films soviétiques pendant la même période. Il est vrai qu’au-delà des cercles communistes militants de France-U.R.S.S., nous nourrissions une certaine méfiance pour un cinéma jugé idéologique (comme si celui de l’Oncle Sam ne l’était pas !). Certes les cinéphiles connaissaient les noms de Poudovkine ou de l’admirable Eisenstein ; certes franchissaient de temps en temps les frontières les merveilles de Kalatozov, de Bondartchouk, d’Andrei Tarkovsky, de Paradjanov. Plus tard les films de Pavel Lounguine, d’Andrey Konchalovskiy et bien sûr de l’impeccable Nikita Mikhalkov.

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