Persée l’invincible

Boum badaboum !

Ma petite-fille de bientôt 12 ans est férue de mythologie grecque, ce qui me ravit ; elle lit avec passion les volumes des Contes et légendes, connaît comme personne les généalogies compliquées et se débat sans difficulté dans les histoires de dieux et de héros. J’encourage au plus possible cette excellente orientation et, en parallèle des livres, sélectionne des films de cette veine. C’est ainsi qu’au fil des mois elle a découvert Ulysse de Mario Camerini (1954), Hélène de Troie de Robert Wise (1956), Jason et les Argonautes de Don Chaffey (1971) ou le merveilleux Choc des Titans de Desmond Davis (1981). Des films à juste titre tous appréciés, ce qui montre bien, si c’était nécessaire que les enfants acceptent volontiers de regarder et d’aimer des œuvres anciennes, malgré des trucages et des propos qui ne semblent désuets qu’aux imbéciles.

C’est dans cette perspective qu’errant au hasard au milieu de la multitude des offres j’ai découvert ce Persée l’invincible du peu notoire Alberto De Martino, tâcheron du cinéma de genre italien des années 60 et 70. Mal m’en a pris : le film est laid, maculé de couleurs ternes ou pisseuses, interprété par des acteurs emphatiques médiocres, mal rythmé, redondant. Les effets spéciaux sont épouvantables, qui veulent représenter un dragon féroce (la Créature des marais) ou l’affreuse Méduse, la gorgone qui pétrifie ceux qui ont l’audace et la folie de la regarder en face et qui, à dire vrai, ressemble davantage à un plat de spaghettis à l’encre de seiche qu’à un hideux monstre des Enfers.

Mais le pire est la dérive complète du récit mythologique ; ce ne serait pas vraiment grave si l’histoire était bien fichue : après tout les légendes ne sont pas des épures appuyées sur des réalités incontestables. Le choc des Titans bouleversait un peu beaucoup les récits traditionnels autour de Persée, mais en respectait grosso modo l’esprit. On sait que le héros, fils de Danaé, conçu par Zeus qui avait pris la forme d’une pluie d’or, tuait la gorgone Méduse en l’éblouissant de son propre reflet. Plus tard il délivrait la belle Andromède, sacrifiée par son père le roi Céphée pour calmer la colère de Poséidon.

Rien ou si peu de tout cela dans Persée l’invincible : on retrouve bien les noms, Persée, Danaé, Andromède ou même Acrisios. Mais tout cela est au service d’un bien pâle conte ennuyeux qui mixe sans flamme les éléments de la légende. Acrisios (Arturo Dominici)est là l’usurpateur du trône d’Argos, mari détesté de Danaé (Elisa Cegani) qu’il a épousée après avoir tué le roi légitime Céphée (Roberto Camardiel), père de Persée (Richard Harrison) qui ignore ses origines royales et qui élève des troupeaux.

La princesse Andromède (Anna Ranalli) – qui arrive là comme des cheveux sur la soupe – et Persée s’aiment, à la grande fureur de Ganelore (Léo Anchoriz), fils (ou simple complice ?) d’Acrisios.

On me suit ? Non ? Ça n’a aucune importance ; il y a des traîtrises, des bagarres, des paysages assez beaux dans l’aridité et tout finit par s’arranger au mieux, surtout après que Persée a tué Méduse, ce qui a permis le retour à la vie des centaines de braves gens qui avaient été pétrifiés par son œil maléfique. Et bien que le film d’Alberto De Martinone soit pas bien long (84 minutes), il paraît interminable.

On sait que le péplum – mythologique, historique, biblique, exotique – a été un genre important ; on sait que l’on peut prendre un grand plaisir à leurs schémas souvent simples, au courage de leurs héros invincibles, à la beauté de leurs vierges pures (ou de leurs séductrices perverses), à l’atmosphère impressionnante de leurs décors. Mais que de déchets !

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