La petite bête qui monte.
Je ne sais pourquoi je suis tombé un jour sur l’avis convaincant d’un ami appréciant Phase IV qui en avait été particulièrement impressionné. Il est vrai que, regardant avec plaisir les films un peu torves, j’avais là ce qui semblait être une orientation originale. Et même la hideur ridicule de l’affiche m’inclinait à la curiosité. D’autant que le réalisateur, Saul Bass avait, quelques années auparavant, révolutionné l’art de l’affiche et celui du générique. Allez comprendre !
Si son DVD n’est toujours pas édité en France, le film est passé sur la singulière exotique chaîne Paramount qui présente à tire-larigot de l’assez bon, du passable et du très médiocre cinéma hollywoodien. Je n’allais pas rater l’occasion et je me suis passé l’enregistrement cette après-midi. Qu’en dire ? Je ne reprocherai pas à Phase IV de paraître un film un peu fauché ; dans le domaine du film fantastique et horrifiant, ce n’est pas toujours dirimant ; on pourrait même dire loin de là en songeant à d’aussi parfaites réussites que Le projet Blair witch, tourné avec trois francs, six sous. Le fait que les scientifiques chargés de surveiller l’étrange multiplication des fourmis dans un coin perdu de l’Arizona ne soient que deux et, au bout de quelques jours de silence ne reçoivent aucun secours fait partie des conventions et l’absence de vraisemblance n’est pas vraiment gênante.
L’idée de la mutation d’insectes ou d’autres horreurs animales n’est pas d’une originalité extrême mais, du fait de nos répugnances pour tous ces grouillements insupportables, elle est souvent d’une grande efficacité (souvenons nous des cafards de Mimic et des bestioles de Starship troopers, entre mille autres). Il doit bien y avoir des tas de films qui mettent en scène Sa Majesté la fourmi, sa surabondance, son indifférence complète au danger et à la mort, sa folle fécondité, son absence totale d’empathie avec le genre humain ; je me souviens d’ailleurs encore d’un assez banal récit d’aventure qui s’appelle Quand la marabunta gronde, dont les seules dix dernières minutes sont intéressantes, celles où le flot des fourmis rouges (la célèbre marabunta) nettoie jusqu’à l’os un malheureux clampin).
Saul Bass a fort bien filmé en gros plans les terrifiantes pratiques des invertébrés et les déambulations des insectes dans les moindres recoins, macrophotographiés, fichent effectivement souvent les chocottes ; mais les dizaines de chaînes de télévision qui proposent des explorations de la nature ne rechignent jamais à nous montrer en long et en large les comportements obstinés des insectes et on en a tant et tant vu qu’on ne s’émerveille plus beaucoup. Sauf lors du trop bref combat entre la mante religieuse et la fourmi, filmé comme une tragédie sauvage.
C’est là que le scénario manque un peu beaucoup de souffle ; on a beau introduire un dissentiment entre les deux savants (Nigel Davenport et Michael Murphy), on a beau faire se réfugier dans la station d’observation une jolie fille (Lynne Frederick) un peu hallucinée, on commence à s’ennuyer au bout d’une heure et on s’achemine sans passion vers la fin, terriblement prévisible, (évidemment les fourmis gagnent et vont, à terme, réduire l’Humanité en esclavage, ah ah ah !) et terriblement bâclée.
Je ne suis pas certain d’avoir eu vraiment peur une seconde, nonobstant ce que j’ai écrit plus haut sur les promenades invertébrées ; si, peut-être lorsque le docteur Hubbs (Nigel Davenport) glisse au fond d’un tunnel profond où il va être dévoré vif ; mais ça ne dure que vingt secondes.