La crasse originelle.
Qui découvre aujourd’hui, comme c’est mon cas, Pour une poignée de dollars en est un peu perplexe : quel serait son jugement sur le film s’il l’avait vu à sa sortie en 1964 et qu’aurait-il pensé de la révolution dans le western, genre ripoliné s’il en est où, jusqu’alors, les bagarres les plus farouches ne laissaient pas le moindre grain de poussière accroché aux visages des combattants, d’ailleurs généralement glabres ?
Sidéré et conquis par Il était une fois dans l’Ouest, je n’ai que très ultérieurement fait la rencontre de la Trilogie du dollar. J’ai sottement, d’ailleurs, commencé par le troisième volet, Le bon, la brute et le truand et je viens de terminer, donc, par le premier film, qui me semble assez nettement en retrait. Mais, du fait de mon exploration à l’envers, je ne suis pas très qualifié pour donner une opinion honnête à Pour une poignée de dollars. C’est bien au regard de la mutation que Sergio Leone a fait entreprendre aux légendes de l’Ouest américain qu’il faudrait donner une note au film, non pas en ayant déjà vu les deux segments suivants, plus aboutis.
J’ai plutôt apprécié le début du film : vallée desséchée, désert caillouteux, barbe de trois jours de Clint Eastwood, le crapulo noir vissé à la bouche, masures mexicaines aux murs de chaux salie. Crasse omniprésente, au demeurant et tout aussi omniprésente violence : des types s’amusent à tirer sur un enfant apeuré ; au loin une cloche tinte mécaniquement, comme grincera plus tard l’éolienne du château d’eau de la gare d’Il était une fois dans l’Ouest.
Malgré un doublage à vomir, l’originalité des angles de prise de vue, les gros plans sur des visages moites, tout cela part très bien. Mais, à mon sens, ça se gâte assez vite, dès que l’histoire commence, en fait, à cause d’un scénario à quoi on ne comprend pas grand chose ; j’ai eu, en tout cas, de la difficulté à identifier les protagonistes, les trognes des membres des deux familles ennemies se ressemblant beaucoup ; et comme en plus le jeu de L’homme sans nom est de brouiller les pistes et de semer la confusion, l’âge et le gâtisme venant, j’ai plusieurs fois décroché et me suis demandé ce qui se passait et pourquoi on se tirait dessus.
Finalement on saisit que L’homme sans nom est une sorte d’Ange exterminateur qui, en suscitant des massacres réciproques, va permettre aux bonnes gens d’être débarrassés des deux familles rivales, les Baxter et les Rodos. C’est très bien, on en est content pour eux.
Qu’est-ce qui reste ? La crasse, les caillots de sang, la sueur, la chaleur poisseuse, Clint Eastwood et Gian Maria Volonte. Et puis (et surtout ?) la première collaboration entre Sergio Leone et Ennio Morricone. C’est déjà bien, n’est-ce pas ?