Evidemment, si on n’aime pas Kusturica…
…Si on n’aime pas Kusturica, il faut absolument se dispenser de voir son dernier film, le fuir, même, parce que là, c’est du Kusturica à la puissance dix, bruissant d’animaux, poules, chats, dindons, vache qui traversent à tous moments l’écran, bruissant d’une musique envahissante et formidable (où le fils du cinéaste, Stribor, parvient presque à faire oublier le souffle de Goran Bregovic, si important dans Le temps des gitans ou Underground, bruissant aussi de personnages extraordinaires, baroques, tonitruants, qu’on croirait sortis d’une bande dessinée…
Mais si on aime – et c’est mon cas, ô combien ! – on est emporté dans un tourbillon extraordinaire d’images colorées, magnifiques, dans un récit au rythme fou, digne des plus grands films burlesques, dans une histoire jolie à croquer, aussi jolie que le frais visage de l’héroïne, Marija Petronijevic qui est vraiment d’une fraîcheur et d’un charme exceptionnels.
Si je ne mets que 5, c’est parce que Promets-moi n’a pas la force intellectuelle, la structuration, le regard intelligemment politique de Underground ou de La vie est un miracle, qui menaient une réflexion d’une réelle profondeur sur la disparition de la Yougoslavie et sur la propension onusienne et otanienne à venir mettre des pattes balourdes dans des conflits subtils (sanglants, mais subtils) ; Promets-moi est un conte assez fou, une fable charmante et déjantée où – comme dans un dessin animé – les balles, missiles, fusées et autres engins meurtriers, même quand ils atteignent leur but, ne tuent pas, ou pas vraiment (c’est un peu comme lorsque Vil coyote, à la poursuite de Bip-Bip dans le désert, s’écrase au fond du défilé, après une chute de mille mètres : aplati comme une crêpe, il se relève quelques instants après).
C’est donc, un peu comme dans Chat noir, chat blanc, le récit goguenard et attendri tout à la fois, d’une histoire d’amour qui naît entre une très jolie jeune fille et un jeune homme, forcément un peu ballot, histoire qui se heurte à des tas d’obstacles dont les amoureux finissent par triompher ; on rit et s’émerveille de l’aventure, de la même façon qu’on ressent une formidable sympathie pour des peuples qui, même lorsque les kalachnikovs fonctionnent au maximum, continuent de jouer leur musique éternelle…
Il y a des films qu’on voit tout faits de glace ; les films de Kusturica sont tout faits de feu…