Trop rebattu pour être honnête…
Il y a, dans le gros coffret de L’âge d’or – les films de Sacha Guitry de 1936 à 1938, du Nouveau testament à Remontons les Champs-Elysées – des perles magnifiques : celles de la Couronne, précisément (diable, que d’esprit, cet Impétueux !), Le roman d’un tricheur, Faisons un rêve) et des transpositions sentant trop le théâtre, nettement moins bien à mes yeux, Mon père avait raison, Le mot de Cambronne voire Désiré.
C’est normal : en trois ans, neuf films, dont quatre formidables, ça laisse la place à un peu de désinvolture…
Quadrille fait partie de ces pièces de boulevard portées à l’écran, qui comportent quelques scènes d’extérieur ou de foule, pour faire cinéma, mais qui sont trop artificiellement présentées pour séduire complètement ; c’est le cas des deux ou trois adaptations citées ci-dessus, mais peut-être là encore davantage.
Festival de mots d’esprits (Au moment où tu perdais la tête, moi je recouvrais la raison ! ou Au début d’une aventure, le cocu y est toujours pour quelque chose ou encore C’est une erreur de croire que, parce qu’on est cocu, on a droit instantanément à toutes les femmes), sur des situations un peu trop rebattues, vues et revues au Boulevard, Quadrille souffre, de surcroît d’une distribution un peu hasardeuse : rien à dire sur Sacha, bien sûr, ni sur l’immuablement ravissante Jacqueline Delubac ; mais je suis plus réservé sur Gaby Morlay, trop marquée (à mes yeux, il est vrai) par des rôles édifiants de femme honnête (du Voile bleu à Papa, Maman, la bonne et moi en passant par Un revenant), pour être crédible en actrice emportée par la folie des sens…
Surtout – surtout ! -, le jeune Premier Carl Erikson, censé être une star du cinéma étasunien est interprété par le nigaud Georges Grey qui, outre d’être doté d’une tête à claques d’une rare envergure, s’oblige à parler avec un accent américain tellement faux qu’il en est pis que ridicule ; comment comprendre alors qu’il soit le Chéri de ces dames, le bourreau des cœurs devant qui toutes les vertus ploient ? Pour réaliser un film sur la tentation, la séduction, les incertitudes de la fidélité, l’alchimie des attirances, encore faut-il qu’il y ait de la crédibilité, et non pas des postures…
Bon ; cela dit, ça demeure largement au dessus de bien des pochades graveleuses à clins d’œil appuyés ; mais quand c’est de Guitry qu’il s’agit, mon échelle de notation devient particulière et biaisée…