Exercice de style léger.
Quatre aventures de Reinette et Mirabelle est vraiment un Rohmer mineur, exclusivement destiné à ses amateurs inconditionnels (parmi qui je me range) mais qui désarçonnerait ou décevrait sans retour ceux qui auraient la mauvaise idée de commencer par ce film un parcours rohmerien. On sent bien que ces saynètes, intelligemment contées comme toujours, s’appuient sur bien peu : des situations vécues par l’auteur ou survenues à des proches et contées à lui, liées un peu artificiellement dans une dialectique parole/silence qui n’est pas très convaincante…
Et des anecdotes si ténues qu’elles ne pouvaient pas pendre place dans la série Comédies et proverbes. Le cinquième film de la série, Le rayon vert, était sorti en 1986, et le sixième et dernier, L’ami de mon amie allait sortir quelques mois après Quatre aventures dans la même année 1987 : on voit bien les rapports entre les trois films : Heure bleue (l’aube) à quoi Reinette convie Mirabelle/Rayon vert (le coucher du soleil) que guette Delphine (Marie Rivière) et amitiés féminines), mais ces rapports ne sont pas ce qu’il y a de plus dense.
Il faut donc prendre Reinette et Mirabelle comme un gentil exercice de style, quatre sketches d’intérêt bien inégal où le verbe de Rohmer ne fonctionne pas toujours parfaitement et peut tomber dans la plus agaçante verbosité ; c’est particulièrement criant dans le premier segment, qui se passe à la campagne et qui relate la rencontre des deux filles (Joëlle Miquel et Jessica Forde) et presque autant dans le dernier, La vente du tableau, où Fabrice Luchini tourne à vide.
En revanche on se régale avec Le garçon de café qui présente une sorte de délire nonsensique extrêmement bien interprété par Philippe Laudenbach et on ne s’ennuie pas avec la kleptomane (Yasmina Aury) et l’arnaqueuse (Marie Rivière) qui joue avec talent un personnage que nous connaissons bien à Paris : la dame bien élevée (ou le monsieur fort urbain) qui prétend qu’on lui a volé son sac (ou son portefeuille) et qui a besoin d’une petite somme pour acheter un billet de train.
Cela étant, la modestie des moyens techniques employés par Rohmer lui permet souvent de montrer de Paris un visage très vivant, très frais et – si le mot n’était pas galvaudé – très authentique. Et de la même façon, son équipe d’acteurs, souvent inexpérimentés, mais non gâtés par les tics de métier donne un son inimitable, quelquefois crispant, mais d’ordinaire bien venu.
En tout cas pour ceux qui aiment cette forme rare de cinéma.