Avant d’aller voir Un Prophète qui, selon la critique unanime est un film remarquable et va ancrer (définitivement ?) Jacques Audiard parmi les réalisateurs qui laisseront peut-être un nom, je suis tout à fait fortuitement tombé l’autre soir sur Regarde les hommes tomber dont j’ai raté le début.
Le film m’a agacé, souvent, par des partis-pris d’images brutales, mais dont je n’ai pu me détacher. Voilà qui est un excellent signe, preuve générale de la qualité – de l’intérêt, plutôt – d’un film.
Cet Audiard-là est sûrement le fils de son père, mais naturellement pas par la faconde et l’emphase délirante et géniale ; fils de son père par la douleur et le malaise, le malaise qui irrigue Garde à vue, trouble jusqu’à l’écœurement, Mortelle randonnée, halluciné et désespérant, ou On ne meurt que deux fois, sarcastique, amer, dégueulasse ; la mort de François, fils de Michel et frère de Jacques a passé par là.
Regarde les hommes tomber, comme son nom l’indique, ce n’est pas très joli, c’est glauque et crado ; tous les hommes sont las, épuisés, amers, Jean Yanne ou Jean-Louis Trintignant ; l’un mort, déjà, l’autre sursitaire ; privé de la première demi-heure du film, je n’ai pas tout compris immédiatement, mais j’ai été fasciné par l’image salie, crasseuse, par la furie des mecs, par le regard des filles… à ce propos, est-il anodin de se rappeler que Bulle Ogier a perdu sa fille Pascale Ogier, vedette prometteuse des Nuits de la pleine lune, morte à 36 ans, d’une crise cardiaque, et que Christine Pascal, la merveilleuse Émilie de Que la fête commence s’est suicidée à 43 ans ? Il y a des assemblages maudits et réunis par la malédiction…
Rien n’est fortuit.