Un film de bonne qualité courante, qui tient la distance et intéresse le spectateur. Ceci malgré un scénario d’une grande banalité comme les États-Unis du début des années Cinquante en suscitaient à la pelle. Une histoire où un homme seul, un petit policier honnête, pur, franc, Dave Bannion, (Glenn Ford) se bat tout seul contre le monde entier, à tout le moins contre toutes les fripouilles de son patelin, qui ont, d’ailleurs gangrené la police du comté. On a vu ça dix-mille fois. Est-il besoin d’ajouter qu’à la fin, c’est le bon policier qui gagne, est-il besoin d’ajouter que, avant de l’emporter sur les canailles, il aura connu les pires vicissitudes, notamment l’assassinat de sa femme, qu’il aimait tendrement ?
On sait donc d’emblée que ce policier honnête en lutte contre les canailles rencontrera les embûches habituelles, la lâcheté et l’agressivité de sa hiérarchie supérieure, les appels de ses amis à la mansuétude, tout ce qui peut parer de lumière le héros lorsqu’il franchit les épreuves. Ça marche depuis l’Antiquité et il n’y a pas de raison que ça s’arrête ; en fait ça nous rassure et ça nous donne à penser que les choses vont dans le bon sens, ce qui est idiot, mais rassurant.
Ça se gâte vite lorsque le sergent Bannion (Glenn Ford) se mêle de se préoccuper du suicide d’un de ses collègues, Duncan et d’aller chercher des poux à sa veuve, Bertha (Jeanette Nolan), qui, de fait, n’est pas bien nette. D’ailleurs, dès qu’on gratte un peu le terreau, dès que Bannion fouille parmi les relations, les amis, les maîtresses, les affaires du suicidé, il découvre tout ce qu’il faut pour alimenter ses interrogations.
Et surgissent alors des tas de types plus que douteux, au moment où une fille publique, Lucy Chapman (Dorothy Green) vient d’être assassinée, alors qu’elle tentait de donner des informations. Et ainsi de suite. Tant que Bannion ne touchait pas au sommet de la hiérarchie, ça allait ; dès qu’il commence à aborder les hautes sphères, ça ne rigole plus. On piège sa voiture ; manque de pot : c’est sa femme, la délicieuse Katie (Jocelyn Brando), qui explose. Et ainsi de suite. On va s’arrêter là et ne pas raconter la fin de l’histoire.
Le plus intéressant, dans le film de série réalisé par Fritz Lang, c’est le soin accordé aux seconds rôles : d’abord Lee Marvin, qui interprète Vince Stone, tueur psychopathe, sadique, d’une violence malsaine, dépourvu de toute empathie, de toute humanité, un des personnages les plus détestables de la riche histoire des canailles cinématographiées. Puis Gloria Grahame, qui est Debby Marsh, espèce de fille facile lasse de la vie glauque qu’elle mène avec Vince Stone mais qui n’a ni l’envie, ni la possibilité d’en changer sauf à en mourir…
Règlement de comptes n’est pas un film facile, ni très optimiste. Bien sûr les criminels sont punis et, finalement, les policiers qui étaient sous leur coupe regimbent et retrouvent une certaine dignité. Mais il n’y a pas le happy end – qui serait ridicule et même indécent – d’une histoire où Bannion se consolerait de la mort de sa femme dans les bras de la ravissante Debby. Il reste seul. Et pour toujours sans doute.