Ah oui, c’est un film très agréablement dégueulasse, qui met mal à l’aise, qui insinue au fin fond de votre épine dorsale une médiocre petite coulée de boue. Un film qui vous gêne, vous exaspère, vous met mal à l’aise, ne vous laisse pas tout à fait intact. Mais – ne soyons tout de même pas emphatique – ne vous dérange pas autant que l’inatteignable Délivrance par exemple, C’est bien, c’est très bien même mais ça demeure filmé au niveau des oripeaux de notre pauvre humanité : sale pays, sales gens, sales situations, sales médiocrités mais à peu près similaire à tout ce que l’on voit dès que la caméra quitte les tendresses consensuelles à la TF1 pour aller voir un peu plus loin la réalité du monde.
Réveil dans la terreur pourrait presque être présenté comme un conte philosophique, avec de multiples entrées.
D’abord celle de l’enfermement dans un environnement hideux et inhumain, celui de l‘Outback, centre désertique de l’Australie, continent superflu ; enfermement qui produit, suscite, détermine tous les vices et tous les dégoûts : alcoolisme, nymphomanie, cruauté, sadisme, mépris de soi et des autres. Tout cela cause et conséquence de ce que Jean Giono appelait la charge la plus lourde de la condition humaine : l’ennui.
Grant n’est pas, au demeurant, un garçon bien sympathique, ni un esprit bien fort. Il possède une belle gueule, mais un peu mièvre, un peu veule ; il regrette d’avoir fait des études littéraires, sans doute assez sommaires, qui ne lui laissent pas d’autre perspective qu’un pauvre poste d’instituteur dans une région désolante. D’ailleurs on parvient presque à comprendre comment les malheureux qui vivent là sont minés : plaine jaune malsain à perte de vue, vent de sable poisseux, ciel idiot à force d’être bleu. Ted Kotcheff fait très bien sentir la chaleur, l’étouffement, la pesanteur du monde, son aridité, sa fermeture.
Et commence la dégringolade, où Grant est bien poussé par le vicelard Tim Hynes (Al Thomas), sa fille Janet (Sylvia Kay), sur qui toute la ville est passée, ses copains malabars violents tueurs nocturnes de kangourous Dick (Jack Thompson) et Joe (Peter Whittle) ; surtout par l’étrange Doc (Donald Pleasence) qui se définit comme médecin, clochard par tempérament et alcoolique. Toutes les tentatives de Grant de se reprendre, de fuir, échouent. Et la dernière est une belle parabole : faisant du stop pour aller à Sydney, il retourne, en fait à Yabbabonda, puisqu’il a simplement dit au camionneur de l’emmener à la ville et que c’est là que le routier allait. Il ne lui reste plus, après une tentative de suicide ratée – aussi ratée que sa vie – de recommencer l’année scolaire à Tiboonda. Coincé.
Sordide, gluant, poisseux, souillé. Implacable.