Santa Sangre

Pas très net…

De temps en temps l’idée me vient de regarder n’importe quoi. Ou plutôt quelque chose qui n’entre pas le moins du monde dans mon goût, mon espace intérieur, mon paysage mental. Quelque chose qui me surprend, quelquefois me rebelle, m’exaspère… ou me fascine. Moi qui n’ai vraiment rien d’un aventurier intellectuel, je devine sur les franges de mon monde des territoires inconnus, qui ne sont pas forcément hostiles, mais avec qui je n’ai rien de commun et qui, quand je les ai regardés m’interloquent tout autant qu’auparavant.

En matière de littérature, ce serait quelques incursions, très rares, du côté d’Alfred Jarry, du surréalisme ou de l‘Oulipo de Raymond Queneau (je ne suis jamais allé jusqu’au Lettrisme). Au cinéma, pas grand chose… un peu d‘underground étasunien (Flesh, Trash)… On goûte à ça pour ne pas mourir idiot, mais on n’aime pas vraiment.

Les films de Jodorowsky passent pour importants aux yeux de certaines camarillas, qui leur décernent le qualificatif de culte. Pour changer un peu de mon classicisme assumé, je me suis regardé hier soir Santa Sangre, qui passe pour à peu près abordable et intéressant et qui, nourri de références évidentes à Freaks et à Psychose avait quelque chance de ne pas me décontenancer trop.

Que dire ? Ce n’est pas du tout insignifiant, moins encore ridicule ; mais, pour vraiment apprécier ça, il faut sans doute être de ceux qui ont préféré Les chants de Maldoror à L’Éducation sentimentale (parus l’un et l’autre en 1869) ; ça peut s’admettre, mais on n’est pas dans le même monde.

miniature.php Il y a un goût terriblement malsain pour les anomalies de la vie, les infirmes, les estropiés : transsexuels, trisomiques, nains, amputés. Et en regardant ce théâtre glauque on est quelquefois un peu gêné de cette balade sordide. On se sent soi-même légérement maculé de l’amoncellement de trucs pas très propres qu’on découvre avec une certaine complaisance. Mais c’est le cas, cela, de bon nombre de films de malaise que le spectateur n’est pas forcément très fier d’aimer (je me réfère toujours pour décrire ce trouble sentiment à mon cher Cannibal holocaust). N’empêche qu’il y a, pour certaines images, une certaine poésie glaçante, ou baroque, si l’on préfère et que les outrances finissent par intéresser.

Goût du sang, goût du bizarre, goût de la mort. Il est de fait que la fascination hispanique pour le soleil aveuglant a trouvé une force accrue dans une Amérique latine inondée de sacrifices humains. Et nulle part mieux que dans le Mexique encore aztèque, aux couteaux d’obsidienne qui ouvrent les poitrines. Nulle part plus qu’au Mexique la mort ricanante n’est présente et les films sont légion qui la présentent, fascinante, presque séduisante, guettant à chaque pas : Que viva Mexico de Eisenstein, La vie criminelle d’Archibald de la Cruz ou El (Tourments) de Bunuel, par exemple… (et plein de séquences dans Mondo cane…).

miniature2.phpJe regrette précisément un peu que la secte de Santa sangre qui adore une jeune fille martyre violée dont les deux bras ont été coupés par ses agresseurs et dont le sang n’aurait pas coagulé ne soit pas davantage mise en valeur. Lorsqu’on a eu l’idée d’un culte syncrétiste, millénariste et mortifère de cette originalité, on va jusqu’au bout, il me semble.Santa sangre, qu’on pourrait presque nommer Les mains d’Orlac à l’envers manque tout de même pas mal de souffle et de grandeur. Sans regret d’avoir vu, mais je n’y reviendrai pas.

 

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