Scorpio

Production de routine.

Que d’ insuffisances  dans ce film ! Le scénario présente tellement d’ellipses et de complications arachnéennes qu’il en devient incompréhensible, à tout le moins inintéressant. Peut-être, pour en saisir le suc et les (très éventuelles) finesses faudrait-il derechef se projeter le film afin de mieux voir ici et là un détail significatif ou d’entendre quelques mots d’une réplique qui avaient échappé, mais cela dépasse mes forces et surtout mon envie. Ces jeux de dupes, ces coups de billard à multiples bandes, ces agents doubles, triples ou quadruples, ces coups fourrés à quintuple détente doivent, pour être plaisants, être montrés par un réalisateur plus inspiré que Michael Winner et maîtrisés par un scénario plus nerveux.

Là, on en reste au gloubi-glouba minimal des histoires d’espionnage du temps de Nixon et de Brejnev, aux temps heureux d’une guerre froide où seuls les gens de la partie savaient que la réalité était compliquée, les populations se contentant d’une simpliste animosité mutuelle, ce qui était, en fin de compte, bien rassurant. Accordons au réalisateur la qualité d’avoir mis en scène les hommes de l’ombre dans ce nœud de vipère qu’était alors Vienne du fait de la neutralité autrichienne et de sa position géographique. Sauf les immeubles en ruine (ce qui n’est pas négligeable, j’en conviens) on retrouve assez facilement dans Scorpio l’atmosphère inquiétante du Troisième homme jusqu’à la cithare dont joue, de façon moins entêtante qu’Anton Karas, une jeune femme dans un café lors de la rencontre entre Cross (Burt Lancaster) et Lang (Shmuel Rodensky) le violoncelliste infirme qu’il a jadis libéré d’un camp de la mort.

C’est aussi un des maigres intérêts de Scorpio : les ombres du passé. Il est dit à un moment que l’espion russe Zharkov (Paul Scofield) a fait partie, pendant la Guerre d’Espagne, du bataillon Thälmann, composé d’Allemands mais piloté, comme l’ensemble des Brigades internationales, par le Komintern. De la même façon, Cross/Lancaster se présente comme un antifasciste de la première heure et il n’est pas totalement invraisemblable qu’il ait lui aussi combattu dans les rangs républicains. En tout cas les deux hommes ont été quelquefois adversaires, quelquefois alliés, mais toujours amis. Ceci n’est pas mal trouvé.

Le personnage de Jean Laurier, dit Scorpio, interprété par Alain Delon est un peu pâle en regard de ces complicités, malgré la qualité intrinsèque du jeu de l’acteur. Mais les embrouillaminis du scénario, les séquences trop nombreuses qui hachent le récit le desservent et le minimisent, à de rares exceptions prés. Quant au personnage féminin (Gayle Hunnicutt), il est si transparent qu’on aurait presque pu s’en passer.

Une bonne scène de poursuite et d’action dans un considérable chantier de construction (une galerie de métro ?), quelques sauvageries et meurtres de sang-froid bien venus, et c’est à peu près tout, c’est-à-dire presque rien.

 


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