Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette…
Les débuts du film (les 52 premières minutes exactement) me rappellent quelque chose : un type qui est dans l’enseignement et qui résiste à l’appel énamouré d’une oiselle se fait accuser par elle de harcèlement et de viol et il lui est bien difficile de se défendre. C’est à peu près la situation mise en scène par André Cayatte en 1967 dans Les risques du métier, avec Jacques Brel et Delphine Desyeux et par Jean-Claude Brisseau en 1989 dans Noce blanche, avec Bruno Crémer et Vanessa Paradis.
Bien sûr Sexcrimes ne se passe pas dans l’atmosphère un peu rancie de la province française, mais dans un patelin huppé de Floride ; bien sûr, les physiques de Brel (surtout) et de Crémer ne sont pas de ceux qui font rêver les filles alors que celui de Matt Dillon en fait plutôt le coq du patelin et l’objet de nombreuses sollicitations féminines dont il fait d’ailleurs un large usage ; mais enfin il s’impose l’élémentaire discipline de ne pas cueillir les fruits verts du lycée où il est quelque chose comme conseiller d’éducation et de dispenser ses faveurs par ailleurs.
Cette position irréprochable n’est pas du goût d’une ravissante petite peste, Kelly Van Ryan (Denise Richards), dont la mère, la richissime Sandra (Theresa Russell) est d’ailleurs une des nombreuses amantes de Sam Lombardo (Matt Dillon, donc). Négligée et dépitée, la jeune tigresse crie donc à l’agression et au viol. Lombardo est peu à peu évacué de la communauté de la bourgade, d’autant qu’une autre jeune fille, Suzie Toller (Neve Campbell), junkie et marginale, prétend elle aussi avoir été violée.
Seulement grâce à l’habileté manouvrière de Kenneth Bowden (Bill Murray), un avocat retors qui démonte les accusations des jeunes femmes, Lombardo est acquitté et reçoit même de son ex-maîtresse Sandra Van Ryan, une très grosse somme pour l’indemniser et acheter sa discrétion.
Tout cela est vivement mené et montré, les filles sont belles et, dans la ville de Blue bay, située à proximité du parc des Everglades (où foisonnent les alligators, soit dit en passant), l’existence paraît douce (en tout cas aux privilégiés, comme partout, au demeurant) ; même les policiers Ray Duquette (Kevin Bacon) et Gloria Perez (Daphne Rubin-Vega) ne semblent pas surchargés de boulot, même si le premier nommé, à la mine un peu torturée, semble voir qu’il y a bien des trucs bizarres sous la surface lisse des choses.
Mais on n’est donc, à la 52ème minute, qu’à la moitié d’un film qui en compte 108. Et c’est à ce moment là qu’après une histoire somme toute assez banale, les rebondissements vont survenir et même cavalcader ; on peut au moins, sans trahir l’essentiel, en relater le premier : toute l’histoire était en fait un montage pervers des trois loustics, Lombardo et les deux gazelles prétendument violées, afin d’obtenir la grosse galette de la mère de Kelly. En fait le trio s’entend si bien qu’il s’envoie en l’air lors d’une scène (modérément) torride qui a sûrement beaucoup fait pour le succès du film.
Mais rien n’est simple, le diable est dans les détails et les entourloupes volent en escadrille. On n’en dira pas davantage, si ce n’est que le caractère sulfureux du récit a conduit les roublards producteurs hollywoodiens à en fabriquer trois suites ; si je vous dis que les trois suites ne comportent pas les mêmes acteurs, je vous en aurai déjà beaucoup trop dit.