Sin city

D’où viens-tu Johnny ?

La virtuosité technique, à base d’effets spéciaux, de coloriages malins sur un fond tourné en Noir et Blanc, le maniement hystérique de la caméra, à base de zooms frénétiques ne suffisent pas – loin de là !- à donner à ce film d’une violence extrême la moindre structure. D’autant qu’il est ennuyeux au possible, joué par des acteurs honorables, certes, mais qui interprètent des personnages idiots, bas du plafond, qui ne sont préoccupés que de violence anomique et de sexe et d’une durée très excessive : plus de deux heures pour voir, à chaque séquence, à peu près le même condensé fou furieux, sadique, ennuyeux, c’est beaucoup trop, assurément.

Longtemps je me suis dit qu’il pouvait n’y avoir pas de rapports entre la violence représentée, enluminée, mise en valeur en littérature ou au cinéma et la réalité que nous regardons chaque jour s’épandre. J’en suis beaucoup moins certain aujourd’hui et il me semble que dans l’absolue sauvagerie des racailles qui agressent, violent, torturent, assassinent, comme on nous le rapporte quotidiennement, il y a un rapport net avec ce que nous pouvons leur présenter.

La violence, si gratuite et surtout si enluminée telle qu’elle est présentée dans des films diffusés dans les salles de multiplexes où s’entassent ces racailles, devient tellement irréelle, tellement esthétique, tellement fantasmagorique qu’elle n’a évidemment plus aucun rapport avec la réalité. Et d’après ce que j’entends dans tous les débats qui mettent en rapport les acteurs effarés de notre quotidienneté, les braves petits assassins, tortureurs, violeurs n’ont absolument aucune conscience des conséquences de leurs actes.

Sin city est, paraît-il, la retranscription cinématographique d’une série de bandes dessinées d’un certain Frank Miller. Je n’ai pas beaucoup de connaissances de la bande dessinée, m’étant arrêté, là-dessus au cher Hergé et à Edgar P. Jacobs, c’est-à-dire à Tintin et à Blake et Mortimer. Mais j’admets bien volontiers que ce soit là un genre qui n’a rien de négligeable ou d’insignifiant. Simplement il m’indiffère. Cela étant dit, qui n’a guère d’intérêt, voici donc qu’est adaptée au cinéma l’œuvre violente, cruelle, sauvage d’un auteur sûrement un peu chtarbé.

Pourquoi pas ? N’empêche que ce qui passe avec la dureté du trait ne fonctionne pas forcément dans l’image animée. Je n’ai aucune compétence pour dire si le film de Robert Rodriguez reprend les codes et qualités de la bande dessinée mais, à dire le vrai, je m’en moque complétement. Tout ce que je vois, c’est un truc interminable, au scénario apocalyptiquement incompréhensible, où évoluent des types à fortes mâchoires et à musculatures éminentes au milieu de filles sublimes à très longues jambes et à seins magnifiques. Rien de désagréable à ça, si ce n’est une répétitivité plutôt lassante.

J’invite les bizarres qui voudraient avoir une idée du scénario de Sin city à se reporter à la notice Wikipédia où un brave stakhanoviste a compilé les événements qui surviennent dans le film. Je dois dire que, même avec cette aide je ne m’y suis pas vraiment retrouvé, confondant les multiples histoires qui s’entrecroisent et ne comprenant pas pourquoi et comment certains personnages émergent, disparaissent, ressurgissent ; vraiment, ce n’a pas trop d’importance dans ce pandémonium où l’on se troue la tête, s’explose le corps, se grêle de balles sans que ça puisse avoir beaucoup de conséquences. C’est une sorte de bande dessinée, je l’ai dit, et, de la même manière que Vil coyote et Bip-Bip se font les pires avanies, dans les merveilleux films de Tex Avery, ça ne compte pas.

Enfin, ça ne compte pas chez les gens normaux. Dans les Cités, j’en suis moins certain.

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