Soleil vert

Prophètes de malheur !

Si les khmers verts de l’écologie avaient un tant soit peu de culture cinématographique, voilà un film qu’ils devraient mettre à honneur de diffuser avant les prochaines élections présidentielles, pour nous faire ressentir le frisson de l’horreur et prêcher leur discours catastrophiste sur l’avenir de l’Humanité.

Je ne me souvenais plus, avant d’avoir revu ce pieux mélodrame, combien il préfigurait les larmoyants discours terrifiés abondamment diffusés par MM. Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand, jumeaux prophètes de malheur de l’avenir de l’Humanité, à l’instar du Philippulus de la délicieuse Étoile mystérieuse de l’insurpassable Tintin. Dans Soleil vert, tout le monde pleurniche devant l’horreur survenue du monde, due à la pollution, à la surpopulation, à l’intrinsèque nocivité des pouvoirs. Tout ça est tellement téléphoné, tellement banal, tellement prévisible, qu’aucune des révélations saisissantes distillées tout au long du film ne fait mouche, tant on s’y attend, tant on sait bien que la réalité intrinsèque sera pire que la réalité quotidienne vécue par les protagonistes.

Une révélation stupéfiante, assénée avec le secours de l’habituelle vertueuse indignation : mieux vaut être riche et beau que pauvre et laid ; un propos plein de moralisme primitif qui fait songer aux évidences, qu’on pourra juger cyniques, rappelées par Michel Houellebecq (ici dans Plateforme) : Comme toutes les sociétés, la société cubaine n’est qu’un laborieux dispositif de trucage élaboré dans le but de permettre à certains d’échapper aux travaux ennuyeux et pénibles. Un Houellebecq, à qui fait songer le mouroir où va aller se faire euthanasier Sol Roth (Edward G. Robinson, en tous points excellent, par ailleurs), mouroir qui existe déjà en Suisse et qu’il a décrit dans son dernier roman, La carte et le territoire.

Comme il est étrange que, en quelques années, le Monde ait basculé de la radieuse foi en l’avenir qui irriguait toute l’épopée de la conquête spatiale à cette forme craintive de catastrophisme adulateur de l’état de nature !

soylent-green-300x201Il y a tout de même quelques bonnes idées dans Soleil vert, malgré le jeu aux mâchoires continuellement contractées de Charlton Heston, moins à l’aise ici que dans Ben-Hur ou dans une autre fable anxiogène (mais dans un genre plus narquois !), La planète des singes : il y a cette sorte de nettoyage des populations qui récriminent et qui sont, en deux temps, trois mouvements, enfournées dans les bennes d’indifférentes pelleteuses, avec une efficacité redoutable. Et il y a aussi l’idée des harems attachés aux immeubles de luxe où, en même temps qu’un appartement, et entre autres commodités, on loue une fille superbe, qu’on appelle mobilier.

Y’a pas à dire, on peut toujours compter sur l’intrinsèque bonté de l’espèce humaine !

En termes cinématographiques, Soleil vert ne vaut rien, rien du tout !

Le film n’existe encore dans nos mémoires qu’en image mythique d’une œuvre sans doute assez innovante, par le soin et l’attention donnée à ces questions d’environnement. Ces questions étaient assez peu à l’ordre du jour en 1973, période entièrement vouée à l’expansion économique, avant le premier choc pétrolier – qui date de 1973, précisément -, avant que la blessure du Vietnam, mais aussi la course aux armements avec l’Union Soviétique ne confinent les États-Unis loin des espérances qui ont fait rêver l’Humanité de conquête de l’espace.

Écrivant ceci, je m’égare encore, on aura raison de me le rappeler ; mais bien franchement, Soleil vert, dans sa terne modernité, c’est beaucoup moins bien que James Bond ou Notre homme Flint comme allégresse dans le récit, c’est terriblement pesant pour tout ce qui concerne les rapports humains, c’est filmé de façon insignifiante et guère bien joué (on se croirait, avec le garde du corps tueur, Tab Fielding, (Chuck Connors) et dans ses manigances, dans un mauvais film de Jesus Franco), les bimbos – les mobiliers – sont absolument insignifiantes, y compris Shirl (Leigh Taylor-Young, l’amoureuse de Thorn (Heston, dont j’ai dit le mal que j’en pensais).

Film-marque d’un changement d’époque, si l’on veut, de l’inquiétude venant après la confiance, mais film médiocre et languissant.

Ce qui ne signifie pas qu’il n’est pas intéressant à regarder…

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