Sous le ciel de Paris

Triste et drôle comme la vie…

Plusieurs fois annoncée, la réédition de ce bon film du grand Julien Duvivier vient enfin d’arriver dans les bacs (et comme René Chateau fait, depuis quelque temps, des progrès – image et chapitrage – ce retard a été un mal pour un bien). Mon souvenir était un peu vague (je suis assez honteux d’avoir confondu les personnages de l’interne en médecine qui a le trac – Daniel Ivernel et celui du sculpteur/serial killer – Raymond Hermantier) mais je n’ai pas été déçu devant la qualité d’un film qui, s’il demeurera une œuvre mineure de son auteur est tout de même excellent et passionnant.

L’entrecroisement des destins, le récit choral n’était, sans doute pas une innovation et il y en a eu, depuis lors sûrement des tas d’exemples ; Duvivier ne se voulait en rien innovateur, se définissant avant tout comme un technicien, comme un artisan. Sans doute, mais un artisan d’art ! Car ces destins-là se croisent avec une souplesse, une attention fine donnée à chaque personnage, une reconstitution de leur langage, de leur milieu social, de leur itinéraire…

Un serial killer tue donc, dans la nuit sale de la rue des Ursins (une des plus vieilles de Paris, dans l’île de la Cité) une jeune oie blanche, vaniteuse et légère (Brigitte Auber) qui a débarqué le matin même de sa province pour « faire carrière » (et accessoirement briser le cœur d’un étudiant aux Beaux-Arts, qui l’aime sincèrement) ; une vieille fille très pauvre (Sylvie) cherche avec « patience et résignation » (ça n’évoque rien à personne, ça ?) 64 francs pour acheter deux litres de lait aux chats qu’elle héberge dans la mansarde où on vient de lui couper l’électricité (64 F. de l’époque, c’est à peu près dix centimes d’euros d’aujourd’hui), un jeune interne brillantissime, amant d’un charmant mannequin (Christiane Lénier), à qui l’on propose un mirifique contrat pour les États-Unis, se prépare à rater pour la troisième (et dernière !) fois l’Internat des Hôpitaux, mais aussi à sauver un brave ouvrier qui, une grève sur le tas heureusement finie, rentre chez lui pour fêter son anniversaire de mariage et récolte une balle perdue tirée par la police sur le sculpteur assassin de la jeune femme évoquée plus haut ; un gamin et une gamine – celle-ci grondée par ses parents pour de mauvaises notes – s’embarquent dans un périple rêvé sur la Seine… et la petite fille croisera aussi le tueur au milieu des chais de Bercy alors encore emplis de barriques…

Chant d’amour à Paris – dont les images sont présentées sur un commentaire d’Henri Jeanson – ce film drôle, tendre et triste méritait vraiment cette réédition…

 

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