…et qui auraient pu tout aussi bien le rester.
Délaissé aujourd’hui, le film à sketches a connu un âge d’or pendant une bonne quarantaine d’années, au moins en Europe. Le procédé permettait de placer sur les affiches une distribution nombreuse et éblouissante, même si certains comédiens ne faisaient qu’une très brève pige, apparaissant quelques instants et justifiant à peine leur cachet. Le fil conducteur pouvait être assez artificiel (Carnet de bal ou Le diable et les dix commandements de Julien Duvivier, La vie à deux de Sacha Guitry, Les petits matins de Jacqueline Audry) ou ne pas exister du tout, le film constituant une étude de caractères, comme on disait jadis (Les monstres de Dino Risi, Sept fois femme de Vittorio De Sica).
Il permettait aussi quelquefois de réunir plusieurs réalisateurs, chacun apportant sa vision propre du sujet : Les nouveaux monstres rassemble Risi, Luigi Comencini, Ettore Scola ; Retour à la vie (le retour des prisonniers après la guerre), Georges Lampin, André Cayatte, Jean Dréville et Henri-Georges Clouzot…
Dans l’une et l’autre situation, doit-on aligner l’appréciation qu’on peut avoir du film sur le meilleur ou le plus mauvais des sketches ? Je laisse trancher ce point à de savants et impartiaux glossateurs, changeant sur ce point là, comme sur nombre d’autres, d’avis comme de chemise.
Christian-Jaque a connu des bonheurs inégaux dans le genre ; avec d’autres metteurs en scène (Jean Delannoy et Marcello Pagliero), il a réalisé Destinées, qui n’a pas laissé grande trace en 1954 ; puis La Française et l’amour en 1960 avec une palanquée de confrères (Delannoy encore, mais aussi Henri Decoin, Michel Boisrond, René Clair, Henri Verneuil : de bons ou beaux talents pour une toute petite chose…).
Tout seul, Christian-Jaque a filmé un vraiment joli bijou, en 1952, Adorables créatures et s’est fait la main, donc, en 1950 avec Souvenirs perdus dont, de fait, l’ossature est des plus ténue : au bureau des Objets trouvés, situé depuis toujours rue des Morillons au fin fond du 15ème arrondissement, de drôles de choses dorment dans la profondeur des rayonnages : une statuette, une couronne mortuaire, une cravate en velours, un violon. Le film conte leur histoire singulière et dit pourquoi tout ce fourbi improbable se trouve là… Dans l’artifice, on songe aux Petits riens, gentil médiocre film d’Yves Mirande, toutefois mieux dialogué que Souvenirs perdus, qui bénéficie pourtant du concours d’Henri Jeanson, Pierre Véry et Jacques Prévert.
Une histoire douce-amère, la meilleure à mes yeux, avec Edwige Feuillère et Pierre Brasseur, de vies gâchées qui se retrouvent ; puis une gaudriole sans beaucoup d’intérêt avec François Périer, Suzy Delair, en dessous de leur qualité habituelle et, au second plan, Armand Bernard qui survit à ses succès d’avant-guerre ; ensuite un drame un peu grandiloquent, avec, très charmante, Danièle Delorme et Gérard Philipe qui a toujours l’air d’avoir bu un coup de trop (au fait cette partie là m’a fait songer à un autre film à sketches, Sous le ciel de Paris, de Duvivier encore, avec un tueur bien plus convaincant ; mais Souvenirs perdus a la qualité de présenter quelques images nocturnes agréablement inquiétantes des berges de la Seine) ; enfin, en quatrième position, une bluette aux effets faciles, avec Bernard Blier, au minimum syndical, et Yves Montand qui ne sait encore que pousser la chansonnette.
De la production très courante, banale, point désagréable, mais facilement oubliable…