Deux heures et quart d’ennui profond.
Presque deux heures et quart à guetter un bout d’émotion à part dans le regard du major König (Ed Harris, de fait absolument remarquable), seul protagoniste à avoir un peu de chair, un peu de substance. De gros moyens et des bouffées d’images fatigantes, parfaitement dans les travers du cinéma d’aujourd’hui : montage hyper-rapide à donner mal aux yeux, multiplication des séquences inutiles mais spectaculaires, coups de zoom intempestifs, goût du crado et du sanguinaire
Cela dans des décors aussi faux que la déclaration de patrimoine des patrons du CAC40 ; on a mobilisé un ancien terrain militaire de 12 hectares près de Berlin pour y construire des décombres monstrueuses grisouillantes à coup d’usines déchiquetées et d’immeubles en ruine. Mais dans ce domaine les dollars ne font pas tout : il faut encore que le décorateur ait du talent et donne de la vraisemblance à ses constructions et surtout que le réalisateur résiste à la tentation d’exploiter son gros jouet jusqu’au trognon, à la fois pour le rentabiliser aux yeux du producteur et pour se donner l’exquise jouissance de choisir des angles de prise de vue sophistiqués.
Il n’est pas indifférent que les deux meilleurs films de Jean-Jacques Annaud soient, effectivement, Coup de tête, tourné sans gros moyens et Le nom de la rose qui bénéficiait d’une base fantastique avec le grand roman d’Umberto Eco. Tout le reste est boursouflé, plus (L’amant) ou moins (L’ours), pour aller jusqu’au ridicule absolu de Sa majesté Minor.
Ce n’est pas tout à fait le cas de Stalingrad, mais enfin passer tout ce temps à montrer deux ennemis allongés dans des endroits improbables et guettant que l’adversaire se découvre d’un millimètre pour le dégommer est très exagéré. Comme ces deux-là, Vassili Zaïtsev (Jude Law) et Erwin König (Ed Harris) donc, n’y parviennent qu’à la fin, au bénéfice évident du premier nommé, les deux abattant durant tout le film des personnages adjacents, le commissaire politique Danilov (Joseph Fiennes) ou l’autre tireur d’élite Koulikov (Ron Perlman) ou de simples silhouettes anonymes.
Il y a une histoire d’amour tellement téléphonée et prévisible qu’on espère bien qu’Annaud, dans un sursaut de décence, va s’en refuser l’issue heureuse ; manque de pot, sans doute pour céder aux exigences de la production et aux goûts dégoulinants de sentimentalisme des spectateurs, le réalisateur réunit les malheureux amoureux dans une fin en happy end, historiquement fausse (ce qui est déjà embêtant) et surtout totalement invraisemblable (ce qui est plus agaçant).
Je suis donc bien content de n’avoir pas dépensé mes précieux kopecks à acquérir un DVD et d’avoir paresseusement capté ça sur une chaîne de télévision ; ça n’en valait pas davantage.