La beauté n’est pas fragile.
J’aime bien les trois premiers quarts du film, rythmés, lumineux, portés par deux actrices magnifiques, beaucoup moins sa fin, qui se veut maligne et n’est qu’embrouillée, qui se tortillonne, en vient à se répéter, à forcer les traits (au cas où on n’aurait pas compris) et finit par aller dans les plus ennuyeux travers de Sébastien Japrisot, du type meurtres impunis, lourds secrets de famille, assassinats maquillés masqués par le soleil du Midi et tout le toutim.
On a l’impression qu’à vouloir trop faire le malin, en tissant avec une certaine virtuosité la réalité et le fantasme, François Ozon s’emmêle les pinceaux sans aller jusqu’au bout de la logique de son film qui serait de laisser se dépatouiller le spectateur avec des interprétations inconciliables. Mais n’est pas Giono (dans Les âmes fortes), ni David Lynch qui veut. On reste donc dans le jeu assez simple d’une névrose foyer de frustration (affective et sexuelle) et conduit à une déferlante romanesque.
Cela dit, ce n’est tout de même pas mal, au début donc, même si c’est constamment appliqué et démonstratif jusqu’à la caricature : Sarah Morton (Charlotte Rampling) passe en quelques instants de la pluie grise de Londres à l’enchantement tiède du Luberon au mois de septembre, du sage ordonnancement de vie d’une de ces vieilles filles anglaises à teint rose et à vêtements beiges, de la consommation (exagérée !) de Taillefine à 0% et de Coca light aux profiteroles au chocolat et au foie gras, de la vertueuse indignation devant la liberté corporelle et sexuelle de son double et contraire Julie (Ludivine Sagnier) à l’attirance débridée pour la chair (fût-elle celle du vieux jardinier Marcel).
La dépression post-ménopause n’a pas été si souvent traitée à l’écran qu’on ne puisse apprécier qu’un réalisateur fasciné par les femmes (peut-être parce qu’il n’est pas attiré par elles ?) s’en empare et en trace le cheminement ; Sarah a été l’amante passionnée de son éditeur John (Charles Dance), elle a vécu les folles années du Swinging London, a été entourée, désirée, célébrée mais elle vit maintenant sans amis et sans amants avec son vieux père alcoolique ; les romans policiers dont elle a fait son fonds de commerce l’ennuient désormais ; elle ne sait pas où va aller sa vie ; rencontrer une jeune femme belle comme elle l’était, jadis, qui n’a pas plus de contrainte et de tabous qu’elle n’en avait autrefois, mais qui n’a pas plus d’équilibre qu’elle va forcément l’obliger à considérer son existence sous un autre jour.
Je trouve admirable que la grande Charlotte Rampling, qui avait 57 ans au moment du tournage de Swimming pool ait accepté de mettre son corps encore superbe mais évidemment flétri en parallèle avec celui de Ludivine Sagnier, qui est dans tout l’éclat de sa beauté. Depuis Les damnés, Zardoz, Portier de nuit, Un taxi mauve, On ne meurt que deux fois, Rampling n’a jamais eu peur de la crudité de l’écran révélateur. Swimming pool est une nouvelle manière de se montrer, sûrement moins facile, mais toujours aussi forte.