Je ne suis pas tout à fait persuadé de la nécessité pour la Metro Goldwyn Mayer d’avoir, vingt ans après les deux premiers volumes, raclé le fin fonds de ses archives pour présenter That’s Entertainment III en 1994. D’ailleurs ce dernier tome n’a pas été présenté en Europe, semble-t-il, demeurant sur le seul marché domestique. Il est vrai pourtant que Il était une fois Hollywood (1974) et Hollywood, Hollywood ! (1976) avaient été des réussites enchantées mais, sans épuiser tout à fait le filon, avaient présenté à peu près tout ce qui devait être vu dans une anthologie de la comédie musicale MGM.
Et à dire vrai, le seul numéro absolument remarquable, qui manquait absolument aux deux premiers films est un extrait d’un film fort peu connu : Ma vie est une chanson, réalisé en 1948 par Norman Taurog est la biographie filmée des compositeurs Lorenz Hart et Richard Rodgers. Je doute que Taurog laisse une grande trace dans l’histoire du cinéma, bien qu’il ait tourné d’une façon affreusement prolifique ; et cela de façon plutôt industrielle, enchaînant les sinistres pitreries de Jerry Lewis et Dean Martin, du type Un pitre au pensionnat ou Le trouillard du Far-West, horreurs que j’ai vues et immédiatement détestées du haut de mes dix ans ; puis, les deux histrions séparés, tournant en continu les médiocres prestations du mielleux Elvis Presley comme Sous le ciel bleu d’Hawaï ou Le tombeur de ces demoiselles.
Ces perfides et oiseuses considérations faites, n’empêche que Taurog filme remarquablement bien Gene Kelly et sa partenaire Vera Ellen dans la mise en scène d’une des plus remarquables compositions de Richard Rodgers, Slaughter in the Tenth avenue ; l’atmosphère d’un bar louche de New York, avec putes et souteneurs, le conflit autour d’une fille, les marlous qui se réconcilient d’apparence lorsque la police montre son nez, le coup de feu qui éclate… Tout est parfait.
Et en y resongeant, je me dis qu’il y a bien d’autres merveilles dans ce troisième film. Mais aussi des curiosités bien amusantes ; ainsi cette scène où de jolies filles, dans leur pensionnat, prennent leur douche de façon si indécente (pour l’époque évidemment) que le film, malheureusement non nommé, devant les foudres puritaines, obligea la MGM à se conformer aux règles strictes du Code Hayes. Ou dans Broadway rhythm de Roy Del Ruth (1944), lorsque les trois sœurs Ross (Maggie, Aggie et Elmira) se livrent à un étonnant numéro gymnique et contorsionniste. Et puis on voit davantage des stars un peu négligées dans les autres films, comme Lena Horne, Lucille Bremer ou Ann Miller. Mais il y a peu de séquences avec Fred Astaire, sans doute parce que l’essentiel de sa carrière a été effectué dans d’autres sociétés de production.
En fait j’ai tort de m’étonner que That’s Entertainment III ait été réalisé. Il faut insister sur la qualité des numéros présentés, de l’image et du son présentés. Le coffret Bluray qui réunit les trois films est un trésor plein de pépites. Disons seulement que le troisième opus est davantage destiné, par les raretés et les originalités qu’il donne à voir, aux grands amateurs du genre ; alors que les deux premiers constituent une référence obligée pour tout amateur de cinéma qui se respecte.