Tchika, tchika, tchik, aÿe, aÿe, aÿe !
Quel régal ! Quel film délicieux ! Un film bâti sur bien peu de choses, sur des bribes, des misérables moments, sur tout et n’importe quoi, arrimé à une sorte de feuilleton télévisé, gloire du programme Saturday Night Live qui a ravi les États-Unis des années 70. Dans ce programme, un groupe de musiciens taille sa route ; ce groupe, managé, dirigé, élaboré par Dan Aykroyd et John Belushi modifie, stupéfie, décontenance le public par la radicalité de sa démarche. En fait, il n’y a rien d’autre : le film n’a aucun autre intérêt que de présenter, de façon brillante, des numéros de music-hall quelquefois stupéfiants et même grisants, sans aller plus loin.
Faudrait-il, d’ailleurs, aller plus loin ? Serait-ce nécessaire ? N’est-il pas suffisant de se satisfaire de cette allure et de ce brio qui emplissent le film de John Landis ? Pourquoi demander davantage que ces scènes brillantes, excitantes, réussies, pleines de gaieté, pleines de rythme qui ponctuent, ravissent, interviennent à certains moments privilégiés et permettent eu film de quitter la banalité de son scénario.
Car il n’y a pas de scénario. Sauf à considérer que l’histoire bien banale de Jake (John Belushi) et Elwood (Dan Aykroyd), frères inséparables qui ondulent entre les séjours en prison et les numéros de cabarets où ils exhibent leurs copains d’orchestre et de misère a le moindre intérêt. Ce qui n’est pas.
Et pourtant ça marche, ça marche du tonnerre, parce qu’il y a de l’allégresse, de la vivacité, de l’entrain dans la plupart des séquences ; parce qu’on parvient, sans tout en fait en être dupe, à s’embarquer dans les pérégrinations des deux frères Blues, inséparables et grognons, qui à la fin de l’incarcération de Jake essayent de recréer la minable troupe cabaretière qu’ils dirigeaient avant cette incarcération. Qui y parviennent sans trop de difficultés parce qu’ils sont dotés d’une sorte de charisme minable et qui sillonnent l’Illinois en émerveillant les ploucs trop heureux d’applaudir des gens qui les émerveillent.
J’y reviens : le récit n’a absolument aucune consistance, mais, pour autant, le film n’en manque pas : on est continuellement porté par des danses, des représentations, des rythmes superbes, où interviennent les plus grands interprètes qui se puissent : James Brown, Aretha Franklin, Ray Charles, Cab Calloway… Le plaisir d’entendre ces immenses artistes jouer des rôles en s’en amusant ? Simplement pour cela The Blues brothers vaudrait la peine. On se demande même pourquoi John Landis fait intervenir périodiquement une jeune femme – sans doute une amoureuse déçue et haineuse de Jake – qui emploie la dynamite et le lance-flammes comme elle respire et n’obtient jamais le résultat qu’elle en attendait, un peu comme dans les dessins animés.
Voilà d’ailleurs qu’on ne leur demande pas davantage ; mais c’est déjà si bien un film qui ne se prend pas au sérieux et qui parvient à divertir tous ceux qui le regardent !