J’ignorais, avant de regarder The King of Marvin Gardens et de découvrir Jack Nicholson encore bien jeune que l’acteur avait d’abord été scénariste. Et de la même façon je ne savais pas que c’est dans cette fonction qu’il avait rencontré Bob Rafelson. J’ignorais tout autant qui était ce réalisateur, si ce n’est qu’il avait tourné Cinq pièces faciles dont le titre très euphonique m’avait séduit, mais que je n’ai pas dû aller voir pour autant en 1970. Au vu de The king of Marvin Gardens, je me dis que j’ai eu alors une bonne intuition.
Parce qu’il faut vraiment le talent – le génie – de Jack Nicholson – pour hausser le film à peine au dessus du Zéro absolu. Quant on pense que deux ans plus tard, il tournait Chinatown avec Roman Polanski, en 1974, trois ans après Vol au dessus d’un nid de coucou avec Milos Forman en 1975 et surtout Shining avec Stanley Kubrick en 1980 ! Quelle ascension ! Parce que s’il était resté dans les nouilleries ennuyeuses de Rafelson, qui en parlerait aujourd’hui ?
Ce film est d’une effrayante vacuité. On ne s’y appuie sur rien, pas même sur le sable d’Atlantic City où se passe la plus grande partie de l’intrigue. Si tant est qu’il y ait intrigue, au demeurant, ce qui n’est pas absolument prouvé. Mais on ne peut pas dire non plus qu’il n’y en a pas (d’intrigue !). C’est bien pour cela que je parle de vacuité : à tous moments des choses se passent, mais elles ne laissent absolument aucune trace ; et, comme dans un mauvais rêve, les propos s’enchaînent avec une fausse cohérence. Comment expliquer ça ? Les séquences, en se suivant, ont une logique évidente : mais si on les considère d’un peu haut, elles apparaissent d’une parfaite absurdité.
Ça ne commence pourtant pas mal, si l’on n’est pas rebuté par une certaine aridité de la présentation : d’emblée David Staebler (Jack Nicholson) est filmé en très gros plan, pendant cinq minutes : il raconte des souvenirs d’enfance assez glauques, notamment l’épisode où son frère et lui ont laissé s’étrangler leur grand-père avec une arrête, parce qu’ils en avaient marre de manger du poisson tous les vendredis et d’aller chercher à la cuisine de la mie de pain pour libérer leur aïeul, qui n’en ratait jamais une.
Le récit est fait aux auditeurs d’une station de radio où David évoque régulièrement ce genre d’épisodes ; il est interrompu par un appel téléphonique de Jason ( Bruce Dern), son frère, aussi flamboyant et cinglé que David est mesuré et terne. Jason est flanqué de deux femmes, Sally (Ellen Burstyn) et Jessica (Julia Anne Robinson). On apprend que la première est la belle-mère de la seconde mais on voit que tout le petit monde couche ensemble sans faire de manières. Pourquoi pas ?
Là j’ai décroché ; je crois avoir néanmoins saisi que le mégalomane Jason veut créer la plage la plus chic des États-Unis et a besoin pour cela de l’aide d’une sorte de mafia dirigée par Lewis (Scatman Crothers, qui interprétait dans Shining, Dick Halloran, le cuisinier de l’hôtel Overlook, télépathe comme le jeune Danny).
Après je ne me souviens plus : ça s’est effacé de ma mémoire et il y a peu de chances que ça me revienne jamais.