Je ne suis guère adepte de ce type de cinéma hollywoodien, policier, méchant et violent ; les bisbilles entre les policiers municipaux et fédéraux me laissent sans voix et leurs méthodes m’émerveillent ; moins, à vrai dire quand le moindre cop tire à balles éléphantesques sur des voyous en fuite, se fichant apparemment un peu des braves gens qui se trouvent là par hasard et qui ont bien de la chance de ne pas devenir des dommages collatéraux. N’empêche que j’ai bien apprécié The town qui est assez emblématique de cette orientation du cinéma, où les individus n’existent guère que par ce qu’ils font, bien que de sombres traumas d’enfance soient souvent évoqués pour expliquer le comportement des protagonistes.
Il y a plein de films qui décrivent, avec des qualités très différentes, l’existence de ces communautés de gamins qui ont grandi ensemble, avec des codes, des préjugés, des interdits dans un quartier spécial d’une métropole étasunienne. J’ai en tête Il était une fois en Amérique de Sergio Leone (1984) ou Mystic river de Clint Eastwood(2003). Au demeurant il doit y en avoir des dizaines d’autres, tant les États-Unis se sont constitués autour de communautés ethniques jalouses et protectrices de leurs identités. Aucun rapport avec les nations de la vieille Europe. Enfin… aucun rapport jusqu’à une date récente.
The town se passe à Charlestown, qui est un étroit faubourg populeux de l’aristocratique ville de Boston, établie par les puritains britanniques et siège de la prestigieuse université Harvard. Eh bien, selon le film, Charlestown est un peu au braquage ce qu’est Harvard à l’enseignement supérieur mondialisé. Et dans ce coin limité où vit une population d’origine irlandaise, il y a des mythes et des légendes sur les grands voyous qui ont réussi des coups fabuleux. Au sommet d’entre eux Stephen Mac Ray, Big Mac (Chris Cooper), désormais condamné à perpétuité.
Mais comme on disait jadis, bon chien, chasse de race. Doug Mac Ray (Ben Affleck) est désormais la tête pensante d’une bande de quatre copains qui, sur les indications du fleuriste Fergie Colm (Pete Postlethwaite), receleur et trafiquant de drogue, exécute des casses spectaculaires et, si l’on peut dire, élégants ; c’est-à-dire très bien pensés et réalisés avec minutie, professionnalisme et sans effusion de sang. Il parvient notamment à refréner la violence meurtrière de son meilleur ami Jem Coughlin (Jeremy Renner) avec qui il a grandi après que sa mère l’a abandonné. S’additionnent au duo Desmond Elden (Owen Burke), un électronicien expert, pratique pour désamorcer les systèmes d’alarme et Albert Magloan (Slaine), qui vole les voitures comme il respire et les pilote avec maestria.
Or donc, lors d’un casse réussi, la tête folle Jem croit utile de prendre en otage Claire Keesey (Rebecca Hall), la directrice de l’agence bancaire cambriolée et de s’emparer de son permis de conduire ce qui permettra à la bande d’apprendre qu’elle est leur voisine de quartier. . Ajoutons que Claire a aperçu fortuitement, sur la nuque de Jem un tatouage reprenant l’emblème de l’équipe de base-ball du coin. Ajoutons que Doug va tomber amoureux de Claire (et réciproquement) mais aussi qu’un agent du FBI Adam Frawley (Jon Hamm) est mis sur l’affaire, secouons vigoureusement le shaker et laissons interagir les catastrophes : nous avons un film constamment haletant, doté des plus spectaculaires scènes d’action qui se puissent, notamment dans le carrousel des voitures mais aussi des massacres de tout ce qui bouge.
Si l’on a le bon esprit de ne pas se demander comment qui que ce soit puisse survivre 1- aux chocs invraisemblables des voitures lancées les unes contre les autres à toute allure (et où personne ne paraît porter la moindre ceinture de sécurité) 2 – aux rafales de balles de fusils mitrailleurs qui sillonnent des espaces restreints sans faire vraiment beaucoup de dégâts mortels, c’est-à-dire si l’on accepte de demeurer dans la féerie du cinéma d’action, on se régale.
Et on s’étonne un peu que, malgré le moralisme étasunien classique, Doug et Claire puissent envisager in fine de profiter d’un bien mal acquis… Tout fout le camp !