Loufoque ou malin, comme on l’a écrit ? Diable ! Je n’ai pas vu ça du tout dans un film qui n’est ni inutile, ni inintéressant, mais que j’ai trouvé glaçant, répugnant et même souvent dégueulasse ; appréciations qui ne signifient évidemment pas que je regrette de l’avoir vu, mais qui me laissent perplexe sur le succès critique et public qu’il a rencontré, surtout auprès des Anglo-Saxons il est vrai. La laideur des villes britanniques doit avoir un rapport avec ma méfiance, mais ce n’est pas tout. Les films de Ken Loach (Moi Daniel Blake) ou de Shane Meadows(This is England) m’ont bien davantage touché. Et que dire de ceux de Peter Cattaneo (The full Monty) ou de Mark Herman (Les virtuoses), donc !
Trainspotting est sale, crapoteux et foutraque. Vous me direz que c’est bien là ce que veut montrer le réalisateur : le monde de la violence, de la drogue, de l’alcoolisme, du dégueulis humain. J’en conviens parfaitement et c’est pourquoi mon appréciation est plutôt positive. La crasse, le désordre institutionnalisé, la merde qui déferle, les regards hallucinés des junkies, l’inutilité de leurs vies, d’abord. Puis les refoulements, frustrations, névroses qui accompagnent la consommation de toutes les substances fourrées (on me comprendra), avalées, injectées, inoculées. Tout cela est absolument répugnant et on peut donner crédit à Danny Boyle de ne pas montrer ces ravages avec la complaisance que pouvaient avoir jadis les milieux hippies (voir More de Barbet Schroeder).
Vraiment rien ne manque à l’abjection alors même que les drogués ne cessent de beugler que Tout est moins bon que l’héroïne et qu‘Il faut se donner à fond à la came. On ne peut pas reprocher au réalisateur d’en faire la publicité, c’est déjà ça.
Cela dit il me semble que le film n’a ni queue ni tête ; que les cinq ou six voyous n’ont aucune épaisseur, qu’on ne saura jamais comment ils se sont liés ; les familles n’ont aucune existence, on ne sait pas si des histoires singulières ont lié ces parasites et pourquoi ils sont ensemble, sans pourtant s’apprécier. C’est très froid, cauchemardesque et le récit progresse cahin-caha sans vraisemblance.
Comment le jeune Mark Renton (Ewan McGregor), sévèrement sevré par ses parents qui l’ont cadenassé dans sa chambre à Édimbourg se retrouve-t-il un peu plus tard agent immobilier à Londres ? Comment peut-il accueillir ses anciens compagnons de défonce ? Comment accepte-t-il de repiquer au truc ? Je veux bien admettre que la mentalité de ces anormaux est celle de types que je n’ai aucune chance de connaître, mais précisément le talent d’un auteur est de pouvoir vous faire entrer dans la caboche d’un personnage qui n’a rien de commun avec vous…
J’avais remarqué dans un film bien postérieur de Danny Boyle, un film de science-fiction qui s’appelle Sunshine le désintérêt complet du réalisateur pour la caractérisation de ses personnages.
Et ça se termine par un curieux et malsain happy end, où Mark Renton, qui a aidé ses camarades à fourguer un gros paquet d’héroïne à un demi-grossiste, ce qui leur a fait gagner 16 000 £, s’enfuit en empochant les trois quarts du magot, laissant un quart au niais Sud Murphy (Ewen Bremner). Et le voilà qui, s’éloignant du bourbier se prend à rêver de vie normale, faite d’un foyer, d’une famille, de dettes à payer, de soucis domestiques, de fuites d’eau, de pleurnicheries de bébé et tout ce que tout un chacun connaît.
Sale type.