Rarement titre a aussi bien décrit l’histoire qu’il retranscrit : dans Un jour sans fin, Phil Connors (Bill Murray), un assez désagréable et plutôt minable présentateur météorologique d’une chaîne de télévision de second rang, devient captif d’une boucle temporelle et se voit condamné à revivre éternellement la même journée. Le 2 février, dans la bourgade péquenaude de Punxsutawney (Pennsylvanie) il couvre le jour de la marmotte, événement traditionnel censé annoncer – ou non – la survenue d’un printemps précoce. Notables rubiconds, population en fête, réjouissances populaires, tout cela est aussi bon enfant que particulièrement accablant, d’autant que la bourgade paraît receler habituellement une dose d’ennui très au dessus de la moyenne.Donc Connors, type plutôt aigri, égoïste et sans générosité, accompagné en l’occurrence par son habituel cameraman Larry (Chris Elliott) et surtout par Rita Hanson (Andie MacDowell) la nouvelle productrice de son émission météo, débarque en maugréant à Punxsutawney la veille du grand jour. Combien d’années ensuite se réveillera-t-il immuablement à 6h le 2 février sur la même chanson de Sonny and Cher et les mêmes plaisanteries des animateurs de la radio locale ? Selon certains exégètes du film (car il y en a, et la notice Wikipédia du film est une des plus complètes et denses qui se puissent), il pourrait être ainsi resté coincé entre 10 et 80 ans, puisque, pour apprendre et parvenir à maîtriser complétement une activité (le piano, la sculpture sur glace, la langue française), comme il parvient peu à peu à le faire, il faut de nombreuses années de travail assidu.
L’idée est assez amusante, vieux classique des explorations de la science-fiction, qui se régale toujours des paradoxes temporels et des broderies sur le Temps. Mais autre chose est de faire vivre à l’écran des billevesées récurrentes sans jamais trop lasser l’attention du spectateur. Disons alors que le réalisateur Harold Ramis est à peu près parvenu à jongler sur le thème et même à charmer quelquefois les vieux habitués, au rang de qui je me classe.
Une fois qu’on a perçu la logique du système, en effet, il demeure que l’on se demande avec une certaine gourmandise comment le scénario va pouvoir rebondir et comment le réalisateur va lancer de nouvelles fariboles. Eh bien il me semble qu’il ne s’en sort pas mal du tout et que les péripéties sont d’autant mieux venues qu’elles ne se sortent pas de la banalité (toute relative, c’est vrai) des prémisses. On a bien compris que Connors/Murrayprocède par la vieille méthode empirique de l’essai et de l’erreur qui lui permet de rectifier au fur et à mesure son cheminement. Ainsi après qu’il s’est grassement esclaffé du goût pour la poésie romantique française de Rita/MacDowell et s’est ainsi ramassé une gamelle, peut-il, le lendemain, désormais ainsi averti, la charmer par quelques vers obscurs qui la transportent.
Si amusant qu’il est, le film est tout de même un peu trop moral Il m’a fait quelquefois songer à cette pâtisserie un peu nunuche qu’est La vie est belle, de Frank Capra. Je ne devrais avoir en principe rien contre un film où le personnage principal s’aperçoit qu’en s’améliorant, en s’ouvrant aux autres, en faisant montre de générosité, il peut progresser et, finalement, se sortir de la sorte de purgatoire où il est plongé. Cette sorte de longue quête est spirituellement intéressante ; d’une certaine façon elle est à la racine des pensées extrême-orientales lorsque les avatars successifs conduisent à un perfectionnement qui doit aboutir à la bonté pure. Mais c’est sans doute justement dans cette volonté démonstrative qu’Un jour sans fin finit par lasser;
Heureusement le talent de Bill Murray parvient à faire souvent oublier la répétitivité forcée des séquences ; et le charme éclatant d’Andie MacDowell, extraordinairement séduisante sans aucun artifice arrive à faire oublier la grisaille un peu pesante de Punxsutawney. Au fait, qui peut vraiment habiter dans ces contrées absurdes ?