Édifiant, sympathique et ennuyeux.
Maurice Cloche, bien qu’il ait tourné entre 1935 et 1973 une bonne quarantaine de films – dont certains ont connu le succès – est aujourd’hui bien oublié de nos mémoires. Il s’est appuyé sur des sujets très différents : les filles perdues (Marchand de filles 1957, Filles de nuit 1959), les pensionnats, maisons de correction (La cage aux filles 1949, Quand vient l’amour 1956 Prisons de femmes 1958), plusieurs films policiers ou d’espionnage (Requiem pour un caïd 1964, Coplan, agent secret FX 18 1964, Le vicomte règle ses comptes 1967, Le tueur aime les bonbons 1968).Mais sa courte notoriété tient à la réalisation d’œuvres consacrées à des personnages édifiants Docteur Laennec 1949, Mais toi tu es Pierre 1973 et surtout un film très réussi, Monsieur Vincent 1947, où Pierre Fresnay incarnait parfaitement la lumineuse figure de Saint Vincent de Paul. Vraiment très réussi où l’on approche de la figure de la charité et de la sainteté.
Autre figure, mais fictive celle-là et projetée en 1955, en Afrique au nord de la Guinée alors française. Un missionnaire tente de reconstituer les perplexités, les insuffisances, les doutes, les interrogations, les scrupules d’un jeune prêtre, Jean Maurel (Yves Massard), qui a, très jeune, ressenti sa vocation d’évangélisateur et qui rejoint une communauté de Spiritains en pleine brousse.La congrégation du Saint-Esprit, fondée en 1703 à Paris, et revivifiée en 1848 forme une congrégation cléricale missionnaire particulièrement développée en Afrique. Avec la chute des vocations dans le monde occidental, elle recrute désormais essentiellement en Asie et en Afrique et de nombreux Spiritains s’établissent dans des paroisses françaises : juste retour des choses : nous récoltons ce que nous avons semé !
Mais en 1955, ce n’est pas le cas et les Européens sont solidement installés dans les colonies ; dans le film, c’est en Guinée, alors encore française. La petite mission qui s’est établie à Affob est dirigée par un vieux prêtre, le P. Gauthier (Charles Vanel), qui est imbibé de tendresse pour l’Afrique mais qui veut avant tout sauver les jeunes filles victimes de la polygamie, des mariages forcés et des brimades humiliantes. La mission recueille, abrite, protège ces adolescentes.Ce n’est pas sans mal, car les coutumes, les traditions coexistent, cohabitent avec l’enseignement religieux dispensé par les missionnaires et tel ou tel qui a été récemment baptisé croit encore aux sorciers, aux fétiches, aux ensorceleurs.
Au demeurant une des belles qualités du film est le regard ethnographique porté sur la vie de brousse : danses rituelles, mélopées interminables, rites singuliers. Maurice Cloche filme cela sans hauteur ni sarcasme, avec beaucoup d’empathie même.
Arrive à la mission une jeune recrue, le P. Morel (Yves Massard), tout brûlant de Foi et de dévouement, mais un peu rigoriste, un peu scrupuleux, qui ne parvient pas à pleinement s’intégrer ni avec la petite colonie française (l’Administrateur du territoire, les négociants Fogerolles (Claude Cerval et Marie-France Planèze) et le rude planteur Rouhaut (René Blancard), ni avec les fidèles, ni même avec ses frères spiritains. À l’exception du P. Berthier (Jacques Derval) qui est un peu plus âgé que Morel et qui, lui, réussit à merveille dans une antenne de brousse.Tout cela est bel et bon et on devine que les développements se porteront sur les espérances déçues et les désenchantements du P. Morel, jusqu’à son découragement. C’est malheureusement un peu ennuyeux parce que répétitif et presque scolaire. En tout cas, ça manque passablement de rythme et d’élan.
Jusqu’à ce que la petite flamme de l’Espérance finisse par briller un peu davantage et que les efforts consentis donnent enfin des résultats. Mais le jeune religieux, atteint de paludisme doit revenir en France ; il comprend là le sens de sa vocation et la grandeur de sa mission.
On peut parier que, guéri, il repartira pour la touffeur d’Afrique.