On a tellement parlé de Clint Eastwood à propos d’American sniper, qui ne vaut pourtant pas grand chose, que je me suis un peu renseigné sur lui et j’ai découvert avec effarement qu’il bénéficiait sur Wikipédia d’une page de longueur inhabituelle et qu’il avait tourné déjà 34 films. Je ne l’avais bien en tête que comme interprète des premiers westerns de Sergio Leone et ne me souvenais pas vraiment de lui comme réalisateur.
À lire son impressionnante filmographie, je me suis aperçu que j’avais vu deux ou trois de ses œuvres mais qu’elles m’avaient fait autant d’impression qu’un rappel à la Loi sur le comportement d’une racaille multirécidiviste.
Il n’est de bonne lacune qui ne se comble. Après tout, pourquoi, à un âge avancé serais-je incapable de parcourir une nouvelle route ? Je me suis mis à Faulkner il n’y a pas dix ans : tout espoir demeure permis !
D’autant qu’Un monde parfait n’est pas du tout inintéressant. Certes, j’ai toujours du mal à entrer dans ces histoires étasuniennes où cohabitent des polices particulières, bien plus divisées qu’en France par leurs statuts locaux. Entendre deux ou trois fois exprimé le souhait que le criminel atteigne vite les frontières du Texas pour qu’on puisse se laver les mains de la suite me stupéfiera toujours : bizarrerie d’une fédération d’États…
Voilà qui est mineur. J’ai trouvé aussi qu’Un monde parfait était tout de même trop long de vingt bonnes minutes.
Eastwood aurait pu grappiller ces minutes-là en évitant d’introduire dans son récit Sally Gerber (Laura Dern, pourtant excellente) qui m’est apparue comme une pâle imitation de Clarisse Starling (Jodie Foster) du Silence des agneaux. On ne voit pas trop à quoi sert ce personnage sinon à faire un peu tourner la tête du valeureux Ranger Red Garnett (Eastwood himself) et à lui faire cracher une singulière histoire compliquée qui prétend expliquer pourquoi et comment Butch Haynes (Kevin Costner) est devenu un dangereux criminel.
C’est d’ailleurs ce tueur friable et fragile qui est l’intérêt principal du film, moins sa cavale désespérée et pourtant burlesque dans les fort laids paysages du plat Texas que la relation compliquée qui s’établit entre lui et le petit garçon Philip Buzz (T.J. Lowther). L’attachement graduel qui naît entre le voyou né dans un bordel et le gamin confit chez les redoutables Témoins de Jehovah est présenté avec une grande finesse. Cette crédibilité est le meilleur atout du film.
Pour que mon opinion soit rehaussée, il aurait fallu que toutes les scènes aient la même implacable tension que celle qui s’installe avec le couple de vieux planteurs noirs, bons comme le pain qu’on craint vraiment de voir assassinés ; qu’il y ait moins de scènes burlesques, à coup de bagnoles lancées n’importe comment et que la scène mortelle finale soit moins longuette et inutilement mélodramatique ; là, ça manque carrément de subtilité.
Mais j’ai néanmoins envie de voir d’autres films d’Eastwood ; c’est déjà bien.