Bien que le film ait été vilipendé à peu près partout et que, paraît-il, Richard Widmark ait beaucoup regretté de s’y être engagé, j’avais tout de même gardé le souvenir intense d’une séquence glaçante et, pour quelques euros j’ai acquis cette Fille pour le diable qui, à la revoyure d’aujourd’hui m’a paru bien plus satisfaisante que ce que l’on en dit et ce qu’elle demeurait dans mon souvenir. Évidemment on ne peut pas mettre sur le même plan les monstruosités satanistes de Une fille pour le diable et celles – qui sont à peu près de la même nature – de la série (des deux premiers films en tout cas) La malédiction qui met identiquement en scène les sectateurs du Prince des ténèbres en les confrontant avec notre réalité souvent matérialiste. Le film de Peter Sykes est un engin de série, qui ne manque pas d’intérêt mais dont les limites sont celles assez bornées, du cinéma de genre, alors que La malédiction vise à un autre niveau.
Malheureusement le film fait une impasse totale sur la fascination des sectateurs du Mal, se contentant de les voir suivre aveuglément le prêtre excommunié Michael Rayner (Christopher Lee), sans que l’on sache comment ils l’ont rencontré et ce qui les a attachés à lui d’une façon absolue. Et c’est pourtant là qu’il serait fascinant de voir leur détermination. Encore faudrait-il que le réalisateur joue le jeu, pour permettre au spectateur de croire un peu à ce qui lui est présenté.
J’imagine assez que dans le roman de Dennis Wheatley, dont le film est une succincte, minimale adaptation, cette sorte de couvent abrité sur une île d’un lac de Bavière où sont réunies les nonnes de la damnation, qui élèvent l’élue, la promise Catherine Beddows (Nastassja Kinski) est un peu davantage présenté ; comme devrait l’être Isabel (Anna Bentinck), la mère de Catherine, qui en a accouché, elle aussi, en sacrifiant sa vie, dans un flot de sang abominable et convoité. Je crois que Wheatley, auteur à immenses succès, notamment du roman dont ont été tirées les excellentes Vierges de Satan de Terence Fisher en 1968 a bien tordu le nez devant le caractère assez sommaire et elliptique de l’adaptation faite par Peter Sykes et son scénariste Christopher Wicking de sa riche matière.
On peut penser que Dennis Wheatley, écrivain spécialiste d’occultisme et de démonologie s’était lui-même mis en scène dans le romancier occultiste John Vernay/Richard Widmark qui entreprend de sauver de l’horreur Catherine (Nastassja Kinski), vouée à devenir l’incarnation du Diable sur la terre et ne découvrira que progressivement la réalité de la conspiration sataniste. On voit bien malgré les maladresses de l’écriture et de la réalisation qu’il y avait là une assez intéressante fresque qui ne demandait qu’à être développée.
Malgré d’immenses insuffisances, quelques séquences ridicules et le parti-pris de tourner Une fille pour le diable comme un film d’aventures fantastiques, ça ne manque pas de qualités ; d’abord parce que l’Angleterre brouillardeuse, quinteuse, pluvieuse, aux vieilles maisons salies par les suies et aux campagnes miraculeusement vertes se prête particulièrement bien au genre fantastique ; puis parce que Christopher Lee, par sa seule présence, parvient, sans ridicule, à faire gober les situations les plus improbables ; et enfin parce que le culte du Démon, quoi qu’on en dise et on en pense, c’est tout de même un bien beau sujet d’angoisse.