Nous n’avons pas besoin de héros, évidemment.
L’incroyable concert de haine qui, depuis quelques jours, s’est fait entendre dans toute la presse sérieuse ne peut qu’éveiller l’intérêt de ceux qui ne sont pas tout à fait tombés dans la bien-pensance. Lorsque Libération consacre la couverture et trois de ses pages à agonir, abominer, exécuter un film, lorsque Télérama, Médiapart, Écran large ou même l’anodin Première crachent des torrents d’insultes et paraissent considérer Vaincre ou mourir comme un avatar (en pire !) de Mein Kampf, c’est assurément qu’il y a quelque chose à voir. Conçu comme une adaptation du spectacle Le dernier panache, présenté depuis 2016 au parc d’attraction du Puy du Fou devant 12 millions de spectateurs, le film relate l’histoire folle et enthousiasmante de François-Athanase Charette de la Contrie, un des chefs les plus emblématiques de la rébellion vendéenne, un des plus fascinants.
Le film de Paul Mignot et Vincent Mottez ambitionne de réunir devant les écrans, malgré une distribution assez maigre, 100.000 personnes. Nous verrons bien s’il y parviendra et, à ce propos, la mobilisation citée plus avant de toute la presse (et de Radio-France, bien sûr, la mal nommée) lui rend sans doute un sacré service, appelant l’attention sur un film réalisé en 18 jours, sans immenses moyens, avec certaines maladresses, mais qui aurait pu s’engloutir dans l’indifférence qui touche la plupart des productions françaises.
Les critiques sur la qualité filmique, celles que j’ai lues en tout cas, insistent toutes sur une prétendue médiocrité de la réalisation – que je n’ai pas tellement remarquée – mais surtout alertent l’opinion (enfin, celle qui pense, ni vous ni moi, sûrement) sur le caractère réactionnaire de l’entreprise.
Ben oui, Vaincre ou mourir est un film réactionnaire qui présente avec sympathie l’horreur des guerres de Vendée qui ont vu se perpétrer le premier génocide de l’histoire moderne (voir la lettre à la Convention du général Westermann, non citée, d’ailleurs dans le film : Il n’y a plus de Vendée. Elle est morte sous notre sabre aves ses femmes et ses enfants. … Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé. Nous ne faisons pas de prisonniers, car il faudrait leur donner le pain de la liberté, et la pitié n’est pas révolutionnaire). Ou se rappeler l’affreux épisode des exploits des Colonnes infernales du général Turreau, par exemple l’abomination du 28 février 1794 aux Lucs-sur-Boulogne, lorsque, pendant qu’il n’y a aucun homme dans le village (ils sont dans l’armée de Charette) on éventre le curé, on tue les vieillards à coup de baïonnette et on incendie l’église dans laquelle se sont réfugiés les femmes et les enfants. Il y aura 564 morts. À peine moins qu’Oradour-sur-Glane en 1944. Au fait, le nom de Turreau est gravé sur une des piles de l’Arc de Triomphe. À l’heure où certains cinglés veulent déboulonner les statues de nos grands hommes, ne peut-on se poser des questions ?
Un film réactionnaire, donc, très engagé. Voilà une sortie grave et alarmante pour Écran large; c’est vrai, c’est embêtant lorsqu’on vient contredire la légende dorée de la Révolution française, lorsqu’on présente des gens qui n’admettent pas qu’on ait exécuté leur Roi, le 21 janvier 1793, assassiné leur Reine (le 16 octobre), ambitionné de soumettre leurs prêtres et, de surcroît, prétendu lever 300.000 hommes pour livrer la guerre à l’Europe entière, pour tenter de la convertir aux fariboles rousseauistes. Donc ces braves gens s’exaspèrent, s’indignent, se lèvent, comme se lèveront en Bretagne les Chouans, en Normandie les hommes de Frotté, dans le Lyonnais les Compagnons de Jéhu et les Fédéralistes et un peu partout dans le Midi, des rebelles. Il est extraordinaire de voir combien la multitude de films engagés de l’autre côté soit choyée, adulée, reconnue. En dernier lieu Tirailleurs d’Omar Sy, mais bien avant Indigènes ou Hors la loi (les événements de Sétif et d’octobre 1961) de Rachid Bouchareb (2006 et 2010), La marche (des Beurs) de Nabil Ben Yadir (2013). Sans compter toutes les adulations des passeurs qui aident les clandestins sans-papiers à s’installer en Europe. Pourquoi pas ? Mais pourquoi reprocher à l’autre partie de l’échiquier de mener sa partie ?
Revenons au film, qui n’a pas que des qualités, malgré un souffle épique certain et de bien belles images. Disons qu’on aurait préféré que la musique soit moins tonitruante et omniprésente et que les scènes oniriques où Charette (Hugo Becker) se questionne sur sa folle aventure et sur la destinée qui l’attend soient plus intelligemment traitées. Disons aussi que les interventions d’historiens en préambule du film sont inutiles et ennuyeuses. Disons que, Charette, quoi qu’on pense de son combat, est une de ces figures lumineuses que la France a le bonheur de présenter au monde entier.
Mais en face de ces démons qui renaissent de siècle en siècle, sommes une Jeunesse, messieurs, sommes la jeunesse de Dieu, la jeunesse de la Fidélité. Et cette jeunesse veut préserver pour elle et pour ses fils la créance humaine, la liberté de l’homme intérieur. (Charette)