Ah oui, un Risi majeur, un miracle de qualité et d’intelligence, qui serait presque parfait de délicatesse sans Elliott Gould, à l’aise dans la farce magnifique de Mash mais, dans un film italien, curieusement distribué. S’il n’y avait eu cet histrionisme, je mettrais volontiers un 6 ; il est vrai que la comédie italienne tutoie assez souvent le précipice et n’évite pas quelquefois à y tomber, mais réussit encore davantage à se rétablir miraculeusement.
Le scénario de Valse d’amour est très élégant, sauf – j’y reviens – lorsque Alcide (Elliott Gould, donc) occupe le devant de la scène ; on a alors l’impression que Risi a tiré à la ligne, a cherché sa conclusion ; mais pour le reste, quelle maîtrise du récit, quel sens de la graduation narrative !
Vittorio Gassman est époustouflant, merveilleux, d’une justesse de jeu et de ton qui le classe définitivement, s’il en était besoin, parmi les plus grands acteurs du monde de tous les temps. Les premières images où on le découvre, dans l’asile délabré, au fond de la chambre qu’il va quitter, attendant patiemment qu’on vienne le chercher, sont poignantes. Et la séquence suivante, dans le train qui le conduit à Rome, carrément burlesque, lorsqu’il demande au bourgeois sourcilleux qui lui fait face son journal, afin de pouvoir le disposer sur la banquette et y déposer ses souliers sales. Alternance, précisément, de ces séquences très contrastées – les chamailleries entre les deux petites filles, Déborah (Veronica Dei) et Rosa (Valentina Holtkamp), irrésistibles de drôlerie, alors que, sous-jacente il y a la tristesse de gamines privées de sa mère pour l’une, de son père pour l’autre – la fascination mutuelle que ressentent le vieux fou Augusto Scribani (Gassman, donc) et Rosa, sa petite-fille malheureuse et qui est d’une très grande délicatesse, alors qu’elle pourrait, d’un mot, d’un geste, devenir ambiguë, scabreuse même.
Car il y a une véritable histoire d’amour entre ces deux êtres placés hors du monde des adultes, l’un par sa folie, l’autre par son âge, un amour qui n’est pas celui d’un vieillard pour une enfant. Mais Risi a une telle finesse de touche, Gassman un jeu si maîtrisé, et la petite Valentina Holtkamp une clarté, une pureté de visage si belle que ça n’a rien de trouble, rien de sale.
L’histoire s’achève, précisément, au moment où Rosa a grandi, même de quelques mois, sur les bords du Lac majeur. Elle quitte l’enfance sans même s’en rendre compte et elle regarde son cousin avec des yeux qui brilleront bientôt d’autres feux. Dans ce décor triste à mourir il ne reste plus au vieil homme qu’à aller s’asseoir au bout du débarcadère au son imaginaire de la Valse des patineurs de Waldteufel qui l’a accompagné dans sa longue descente vers la nuit.