Il y a un moment où on se demande si on ne se fiche pas de nous. Complétement, totalement, absolument. Je sais bien que nous, spectateurs sommes à la fois prêts à tout et si différents que, pour satisfaire notre soif d’images, nous devons bien admettre que tous les goûts soient dans la nature ; les films les plus austères et les plus grasses sottises, les films d’acteurs et les films sans acteurs ; il paraît qu’il existe même des films sans image, avec écran noir permanent. Pourquoi pas ? Nous devons être six ou sept milliards d’individus sur notre Terre (et à chaque mot que j’écris il s’en ajoute encore) et il me semble sinon normal, du moins logique que là-dessus il y ait bon nombre qui ne partagent pas mes goûts et mes partis-pris. Ils ont tort, mais qu’y puis-je ?
Bruno Podalydès est, selon ceux qui s’y connaissent, un grand acteur de théâtre, une des lumières de la Comédie française (car ça existe encore, paraît-il). Parallèlement il tourne très abondamment les films que la production française, copieusement irriguée par l’aide publique, pond à un bien trop grand rythme. Comment lui reprocher de faire bouillir sa marmite et de souhaiter y mettre davantage de chapons dodus élevés en plein air que de poulets nourris de farine animale ? Ne ferions-nous pas identiquement si nous y étions invités ? Et, cela étant dit, on peut tout à fait admettre qu’il apporte une touche de bonne qualité aux films qu’il interprète. Ce ne sont pas des films où il y a ce qu’on appelait jadis des têtes d’affiche, mais où chacun joue sa partie.
Beaucoup de films réalisés par son frère Bruno Podalydes : Liberté-Oléron en 2001, Adieu Berthe en 2012, Comme un avion en 2015 ; d’autres, assez variés : Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc en 2002, Sagan de Diane Kurys en 2008, La conquête de Xavier Durringer en 2011, Camille redouble de Noémie Lvovsky en 2012. Et bien d’autres. Mais je ne suis pas persuadé que quiconque le reconnaît dans la rue.
Tout ça pour situer le personnage, qui n’est pas désagréable et qui est un excellent acteur. Mais une fois ces choses dites, que penser du nombrilisme qui réside à présenter au public un court-métrage de 31 minutes qui, avec de meilleurs moyens, présente à peu de choses prés ce que nous avons tous tourné, en Super-8, au mariage de la cousine Adèle ou à la Fête des vendanges de Raddon-et-Chappendu ? Il y a une limite au nombrilisme, non ?
Une voiture, sur une route de campagne. Le conducteur (Denis Podalydès) chantonne tout en pestant contre le chauffard qui vient de lui faire une queue de poisson. À noter une idée de générique originale et amusante : alors que la voiture roule et que son conducteur zappe entre les différentes stations de son autoradio, sur une des stations, après quelques mesures de musique, une voix annonce : C’était la musique du film intitulé Voilà, de Bruno Podalydes, produit par Flagrant délit… Voilà l’histoire… Et on revient en direct sur la route et un reportage sur la sonde spatiale Voyager, lancée en 1977 qui, en 1994 ( lors du tournage de Voilà), était en train de croiser dans les parages de Pluton (qui était encore, à l’époque, une planète et ne l’est plus depuis 2006).
Le conducteur – le père – voyage avec son fils, un joli petit nourrisson nommé Jean (Jean Podalydes). Et c’est tout. La voiture s’arrête et, pendant une demi-heure, le père marche, son fils dans les bras, dans plusieurs paysages : de grasses prairies largement irriguées par des tas de bras d’eau, des futaies magnifiques, puis la mer, la plage. Le père ne cesse de parler au bébé, de l’instruire, d’emplir son petit cerveau de mots et de sensations. Comme tous les pères un peu aimants, il me semble.
C’est tout ? C’est tout. Est-ce que ça suffit ? Évidemment non.