Il y a lieu de penser que si, le 14 mai 2011, Nafissatou Diallo, femme de chambre du Sofitel de New-York était entrée une heure plus tard qu’elle ne l’a fait dans la suite 2806, Nicolas Sarkozy serait encore Président de la République française. Sans guère de doute lors de la Primaire d’octobre Dominique Strauss-Kahn, alors Directeur général du Fonds monétaire international aurait été désigné candidat du Parti socialiste aux élections présidentielles du printemps 2012. Quelques semaines avant le premier tour du scrutin, l’affaire des prostituées du Carlton de Lille serait sortie dans la presse et se serait diffusée avec gourmandise. Trop tard pour que le PS puisse désigner un autre candidat. Il n’est pas impossible, d’ailleurs, que la Gauche aurait été éliminée dès le premier tour, la vertueuse indignation des foules aidant.
L’affaire du Sofitel de New-York a donc été si calamiteuse pour la Droite que certains esprits de grande perversion ont pu imaginer que l’affaire Nafissatou avait été suscitée fort habilement par les camarades et néanmoins ennemis de DSK au sein du PS… Allez savoir ! Il y a bien des incertitudes et ambiguïtés dans cette histoire et ceux qui s’en amusent pourront faire un tour sur la page dédiée de Wikipédia qui est extrêmement détaillée.
Mais telle qu’elle était – un homme puissant et appelé à un bel avenir brisé par un vice irrépressible – l’histoire ne pouvait pas ne pas intéresser le cinéma. D’où Welcome to New York, qui n’existe qu’en VOD et DVD, n’ayant jamais été diffusé sur les écrans, grands ou petits.
Disons d’abord que le cinéma, précisément, ne perd rien à cette diffusion limitée (mais qui a connu un certain succès de scandale). Le premier tiers du film présente le grand banquier Devereaux (Gérard Depardieu) en porc libidineux qui ne cesse de draguer (lamentablement) la directrice de réception de l’hôtel que pour rejoindre une partouze avec ses amis puis, la chose à peine faite, pour recevoir un duo de call-girls. Au matin, la femme de ménage, donc, et la bête brute qui saute dessus. Le deuxième tiers présente, de façon assez conforme, je crois, à ce qui s’est passé, la procédure judiciaire étasunienne, sa volonté incroyable d’humilier un homme puissant. La fin tente de montrer les relations singulières qui s’instituent entre Devereaux et sa femme (Jacqueline Bisset), censée incarner une Anne Sinclair brûlante, vindicative, aimante et désespérée d’avoir vu s’engloutir les espérances présidentielles.
C’est finalement assez ennuyeux et ça passe tout à fait à côté d’un autre sujet qui aurait été intéressant à traiter : comment un homme brillant et fascinant à bien des égards peut-il vivre sous l’empire d’une dépendance absolue qui paraît l’obséder à chaque seconde ? Obsession qui va sans doute jusqu’à la douleur (ainsi qu’il l’exprime trop brièvement à sa femme lors d’une querelle) et qui seule rend compréhensible qu’au matin d’une nuit d’orgie avec des filles superbes, il se précipite encore sur une femme sans attrait particulier. Ceci n’est pas bien traité, n’est pas même examiné à dire vrai. Tout comme est à peine abordée la question du vertige devant le Pouvoir qui tend les bras mais qu’on n’a pas envie de prendre…
Il manque à Depardieu trop du charme un peu sournois de DSK : l’acteur ne donne jamais l’impression d’avoir de la séduction, ni d’avoir pu impressionner le monde entier : on ne le voit qu’en obèse sanglier hors de toutes normes physiques humilier sa fille qui lui présente son petit ami par la permanence grasse de son obsession sexuelle, profiter de plaisirs cher tarifés lors d’une partouze grotesque puis, plus tard dans la nuit, ridiculisé par deux putes Russes qui le quittent en se fichant de lui (Salut Papy !).
Abel Ferrara disposait d’un sujet en or, qu’il pouvait, en plus, agrémenter par quelques images dénudées (il n’a pas trop abusé de ça, en fin de compte) : il filme quelque chose de minimal et de superficiel. Les vrais mystères restent derrière la porte