Déjà je m’étonne que Raymond Queneau soit publié en Pléiade. Funambule des mots, gloire farfelue des farfelues années Cinquante (qui se souvient du Nouveau roman, à part des jurés scandinaves du Nobel, et du Lettrisme, à part personne ?), il n’est pas désagréable à découvrir, mais ça s’arrête vite. Cette époque, où on pensait, en prolongement des surréalistes, avoir épuisé le fond et où, donc, on faisait fond qu’avec la forme paraît littérairement bien lointaine pour tout ce qui se voulait novateur.
Donc Queneau, ses Exercices de style, la même anecdote insignifiante racontée de cent façons différentes (99 exactement), ses Cent mille milliards de poèmes, habile machine à fabriquer des sonnets réguliers ; et Zazie et son langage dynamité et drôle. On est amusé par les cavalcades verbales, les jeux de mots, les trouvailles phoniques ; puis on se lasse.
Et Louis Malle, après les grandes réussites d’Ascenseur pour l’échafaud et des Amants, décide de tourner Zazie dans le métro, comme un pari qu’il se lance à lui-même. Ça n’a pas connu un grand succès et pourtant le film demeure, un peu parce que la présence de Louis Malle est profonde et durable, beaucoup parce que l’extraordinaire trouvaille du titre en assure la pérennité (Queneau, interviouvé par Pierre Dumayet dans un supplément du DVD, indique que c’est ce titre qu’il a trouvé le premier, et qu’il a forgé autour son roman).
Il y a des films qui surprennent dans la carrière des cinéastes, dont on hésite à les créditer, dont on est vaguement gêné qu’ils les aient tourné, qui font un peu tâche. Je sais que Claude Sautet aurait bien aimé qu’on ne le créditât pas de Bonjour sourire et que Stanley Kubrick a tout fait pour détruire Fear and Desire ; mais il s’agissait là de premières réalisations, des nécessités d’apprentissage… Rien de cela dans Zazie, mais une grotesque, atterrante, accablante, insupportable erreur…
C’est foutraque, ridicule, souvent exaspérant ; ça veut se mettre dans l’esprit d’un Tex Avery ou, pire, dans celui des histrions du cinéma muet, ceux des poursuites saccadées, des yeux exorbités et des gags puérils. Je me suis souvent retenu pour ne pas interrompre la projection, tant elle dispense d’ennui et tant elle est purement artificielle…
Qu’est-ce qu’il y a à sauver ? Pas même Philippe Noiret, compassé, coincé, blafard ; moins encore Vittorio Caprioli, très pénible à supporter… Mais la musique est convenable, le zinc des toits de Paris aussi séduisant que toujours, la Tour Eiffel intelligemment filmée. Et la jeune Catherine Demongeot marque un beau tempérament, qui n’eut cinématographiquement pas de suite.
Bon. J’ai, sur d’autres films, dit assez de bien de Louis Malle pour dise aujourd’hui tout le mal que je pense de Zazie…